Sans Frapper
Sortie:
09/03/2022
Pays:
FR
Genre:
Durée:
85 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Sans Frapper

Verdict: Excellent

par: Emmanuel Galais



Ada a dix-neuf ans. Elle accepte d’aller dîner chez un garçon qu’elle connaît. Tout va très vite, elle ne se défend pas. Son corps est meurtri, son esprit diffracté. Le récit d’Ada se mélange à ceux d’autres, tous différents et pourtant semblables. La même sale histoire, insensée et banale, vue sous différents angles.


Certains films sont de purs divertissements, d'autres, au contraire, servent à se questionner, à porter un regard différent sur le monde qui nous entoure et surtout sur les faits de société sur lesquels, nos pensées sont biaisées par des certitudes ancrées depuis la nuit des temps. En ces temps où la parole des femmes se doit d'être libérée et entendue, il est nécessaire que des réalisateurs et des réalisatrices nous interrogent sur ces idées tenaces. Et particulièrement sur le viol et sa vision que l'on peut en avoir, alors qu'il peut surgir de bien des manières, y compris par le biais du flirt. Et c'est après avoir rencontré une jeune femme, victime, lors de la présentation de son précédent film, qu'Alexe Poukine a eu l'excellente idée de faire raconter ce drame par différentes actrices et différents acteurs et de filmer leurs réactions. 


Et le film touche en plein cœur, car il vient questionner, brutalement, et doucement, violemment et simplement sur la manière dont ces femmes vivent leur féminité, cette approche qu'elles ont de ce moment où un homme leur a pris leur vie, leur existence. Car un viol n'est jamais anodin, cet acte, pas forcément d'agression, résulte d'une volonté unique contre celle de l'autre. L'histoire d'Ada, peut susciter des interrogations sur son comportement mais c'est justement ce que révèle le documentaire. Ada est amoureuse, elle est perdue et le garçon qui abusera d'elle a trois reprises, le fait contre sa volonté, refuse par instinct bestial, primaire d'écouter son refus. Et lorsqu'il semble prendre conscience de ses actes, il est trop tard ! Ada se retrouve seule avec sa détresse, avec sa honte aussi, et le jugement ou l'incompréhension des autres la pousse à la solitude. Il ne lui manque qu'une porte pour mettre un mot sur ses maux. Et ce mot c'est « Viol » ! Et au-delà de ce qu'il représente, il y a dans ces mots, tout ce que notre société ne maîtrise pas ! Des garçons, des hommes qui n'ont que faire de ce que pense les jeunes filles ou les jeunes femmes. Un non qui n'est jamais entendu. Un doute qui ne devrait même pas exister et surtout une question qui n'est jamais posée dans le bon sens.


L'histoire d'Ada, c'est l'histoire de ces femmes au quotidien, qui vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Celui ou celle qui pour une fierté masculine purement primaire ne va pas entendre son refus, ce policier qui par manque de formation va la prendre de haut et poser cette sale question sur sa responsabilité à elle avant de s'interroger sur sa responsabilité à lui. Et puis il y a le regard des autres, incrédules, qui vont lui jeter l'opprobre. Elle, elle va rester avec sa vie fracturée à devoir chercher la force de se reconstruire ou de survivre.


Le mécanisme du film s'intéresse à cette société qui ne sait pas gérer le Viol, qui ne sait pas éduquer ses enfants pour appréhender l'acte autrement que comme un acte de violence et de monstre. Intelligemment écrit, subtilement développer, le film ne laisse pas indifférent et pousse le spectateur à S'interroger, à porter un regard différent.