France, professeure de sport le jour, ouvrière la nuit, milite activement contre l’usage des pesticides. Patrick, obscur et solitaire avocat parisien, est spécialiste en droit environnemental. Mathias, lobbyiste brillant et homme pressé, défend les intérêts d’un géant de l’agrochimie. Suite à l’acte radical d’une anonyme, ces trois destins, qui n’auraient jamais dû se croiser, vont se bousculer, s’entrechoquer et s’embraser.
Les films reprenant des enquêtes sur fond de scandales sanitaires ou humanitaires sont assez dominés par les productions américaines au Panthéon desquelles nous retrouvons « Erin Brockovich seule contre tous » de Steven Soderbergh avec Julia Roberts (Pretty Woman) ou plus récemment « Dark Waters » de Todd Haynes avec Mark Ruffalo. En France, le genre n'est pas très développé et c'est souvent avec un peu de méfiance que l'on aborde un projet de cette nature. Mais dans le cas de « Goliath », beaucoup de signes parlent en faveur de l'œuvre. D'abord un réalisateur qui a su traiter avec intelligence et un sens remarquable de la narration tendue, la traque du tueur en série Guy Georges dans « L'affaire SK1 », c'est d'ailleurs à cette époque que lui vint l'idée de « Goliath ». Il a également su prendre à bras le corps, dans une œuvre humaine et sans concession, le destin de ces pompiers gravement blessés dans l'exercice de ses fonctions. Un film puissant déjà avec Pierre Niney. L'autre idée alléchante de ce projet est évidemment la présence à l'écran d'acteurs intuitifs tels que Emmanuelle Barcot, également réalisatrice de films comme : « Elle s'en va » ou « La tête Haute », Gilles Lellouche que l'on a ou voir dernièrement dans des œuvres qui bousculaient les spectateurs : « Bac Nord » et « Adieu Monsieur Haffmann », et Pierre Niney devenu quasiment incontournable dans l'univers cinématographique français : « Sauver ou Périr » de Frédéric Tellier et « Saint Laurent » de Jalil Lespert.
Le résultat est un film remarquablement écrit qui va s'articuler sur trois angles de narration : Celui de l'avocat qui va prendre l'affaire à bras le corps, celui du représentant de la société qui voit cette population hurlante comme un danger pour sa carrière et la prof de sport qui se lance dans la bataille révoltée par le silence qui entoure ce drame des pesticides dont son mari est une des victimes. Le scénario construit, puis déconstruit les mécanismes pour mieux montrer cette bataille entre la masse silencieuse en souffrance et l'industrie des pesticides qui flirte en permanence avec le diable et se cache par des alliances contre nature avec la politique ou les acteurs du secteur. Avec une intelligence remarquable, le scénario que le réalisateur a signé avec Simon Moutairou, à qui l'on doit notamment celui de « Boîte Noire », amène le spectateur à s'interroger, à se positionner sur l'affaire et a en tirer ses propres conclusions. Loin d'une œuvre complotiste dénonçant une industrie rongée par la corruption, et s'alimentant du sang des nouveaux nés, « Goliath » démontre surtout les mécanismes d'un système où les voix des indigents peuvent être entendues mais pas écoutées et où de grands groupes pensent pouvoir tout résoudre avec un chèque.
La mise en scène de Tellier va d'ailleurs dans ce sens. Très tendue, elle va maintenir une pression sur le spectateur de la même manière que sur ses personnages. Loin d'une réalisation spectacle, comme les Américains aiment à le faire, la mise en scène va surtout s'intéresser aux personnages dans leur environnement, et les montrer avec leurs faiblesses, leurs courages, leurs passions et leurs échecs. Jamais dans l'outrance, la réalisation cherche avant tout à coller au plus juste de ce qu'ont pu vivre tout ces gens qui se sont battu contre les grandes entreprises pharmaceutiques ou en lien avec l'agriculture. Frédéric Tellier parvient à garder une subtile alchimie entre Thriller judiciaire et film réaliste.
Pour cela il se repose sur les prestations remarquables et touchantes d'Emmanuelle Bercot et de Gilles Lellouche, deux acteurs puissants à la fois dans l'émotion et dans la colère. Si le second s'est intéressé à ce qui passait dans les cours de Justice, Emmanuelle Barcot s'est lancée intuitivement dans un rôle entre légèreté colère et émotion. Gilles Lellouche impose son phrasé mais se met au service de son personnage pour éviter le piège de la caricature. Enfin Pierre Niney se lance dans un contre-emploi où il apparaît aussi à l'aise que dans ses précédentes compositions.
« Goliath » de Frédéric Tellier, est assurément le premier grand choc français de l'année. Avec un scénario intelligent, une mise en scène précise qui évite les pièges de la copie américaine, il parvient à maintenir une pression sur les spectateurs pour ne plus les lâcher de tout le film. La distribution est remarquable et participe à ce succès.
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