Notre Dame Brûle

Verdict: Excellent

par: Emmanuel Galais



Le long métrage de Jean-Jacques Annaud, reconstitue heure par heure l’invraisemblable réalité des évènements du 15 avril 2019 lorsque la cathédrale subissait le plus important sinistre de son histoire. Et comment des femmes et des hommes vont mettre leurs vies en péril dans un sauvetage rocambolesque et héroïque.


Jean Jacques Annaud (Le Nom de la Rose) est un réalisateur précis qui sait répondre aux demandes particulières. Dans ce cas précis : Mettre en image le drame de Notre Dame de Paris, le 15 avril 2019 ravagée partiellement par un incendie d’origine accidentelle. Et le résultat est bouleversant, édifiant, la reconstitution minutieuse. Le réalisateur impose son style, sa signature, soigne chacun des plans et maintient une tension permanente avec des effets de caméra et d’incrustations d’images d'archives qui nous plongent littéralement au cœur des flammes et maintiennent une tension qui ne nous lâche pas jusqu'à la fin du film.


D’abord, il y a une demande de Jérome Seydoux de compiler des images d’archives pour en faire un film de 90 minutes proposé à Jean Jacques Annaud. Ce dernier va plonger toute une nuit là-dedans et prendra sa décision dans la foulée. Comprenant qu’il y a tous les éléments pour un film de fiction avec des ingrédients imparables, il se lance dans l’écriture d’un scénario en collaboration avec Thomas Bidegain (Stillwater). Et le duo parvient avec une certaine force et un certain goût, non seulement de l’hommage mais également, et surtout, un goût pour toucher au plus près la vérité de ce drame. Son impact sur ceux qui travaillait au cœur de la vieille Dame de Paris, et ceux qui vivaient autour. Un choc, pour les habitants, pour les Français mais aussi pour les touristes du monde entier pour qui Notre Dame est une sorte de symbole de la foi, de l’amour et de Paris.


Intelligemment, le réalisateur ne va pas chercher à trouver un coupable, mais plutôt à imaginer toutes les causes possibles. Il va d’abord pointer du doigt le coupable facile pour l’opinion et pour tous les porteurs de sombres théories, ce jeune homme noir qui arrive pour son premier comme agente de sécurité incendie et que l’on accusé de ne pas connaître le matériel, pour ensuite le déculpabiliser, car, il y a tellement de facteurs qui auraient pu faire naitre ce drame, un dysfonctionnement électrique, une cigarette mal éteinte sur le chantier, une légère fuite de gaz, du matériel de chantier défectueux, tellement de choses. Le réalisateur les montre un à un dans un montage remarquable et inventif. Puis, lorsque le drame survient, l’âge de la dame, la fourmilière des touristes autour et dedans, les bouchons parisiens devenus insupportables à la faveur d’une politique désastreuse, tout est fait pour ralentir les pompiers, et mettre en péril cet édifice vieux de 850 ans.


Et alors le talent de mise en scène du réalisateur se met en route, il nous plonge dans l’action, ne se refuse rien. Tourné à la Cité du Cinéma à St Denis et dans les Studios de Bry sur Marne, la cathédrale fut reconstruite bout par bout pour mieux rendre palpant cet enfer qu’ont vécu tout ceux qui ont du lutter pour éteindre l’incendie ou sauver les œuvres et les précieuses reliques comme celle obtenu par St Louis qui endetta la France pendant de nombreuses années : La Couronne d’épine, le clou de la croix et un morceau de cette croix. Jean Jacques Annaud aime faire du spectacle, aime plonger ses caméras dans des entreprises complexes pour en sortir le meilleur. Avec « Notre Dame Brûle », il nous prouve qu’il n’a rien perdu de son talent, rien du tout. Il trouve toujours l’angle le plus approprié pour donner corps à une scène, n’hésite pas les caméras portées ou à utiliser des caméras Ignifugées pour filmer au cœur des flammes. Le spectacle est dantesque ravivant un souvenir brulant.


Mais le drame se jouait partout, dans la rue avec la foule qui s’agglutinait aux alentours, rendant difficile l’accès aux pompiers, ces derniers, parfois bloqués, dans leur ascension par des portes fermées avec un système complexe de clé, le plomb du toit qui s’écoulait et faisait fondre les tuyaux ou coulait par la gueule des gargouilles. Jean Jacques Annaud, ne rate aucun détail, s’amuse de certains, comme le fameux tweet de Donald Trump demandant l’intervention des Canadairs. Mais ce qui touche le plus le réalisateur et les spectateurs, ce sont ces moments de grâce et de magie qui ont entouré l’enfer. Une foule à genou en train de prier pour que les pompiers parviennent à sauver l’édifice, les combattants et combattantes du feu qui luttent sans relâche pour éteindre ces flammes, qui perdent espoir mais le retrouve toujours grâce à un esprit de corps toujours chevillé au cœur, ces ecclésiastiques tellement habités par l’esprit de Notre Dame qu’ils se sentent blessés dans leur chair, ces statues miraculeusement épargnées par la chute de la flèche.


Enfin, dans « Notre Dame Brûle » il y a un casting incroyable qui a dû apprendre et faire un stage en caserne pour retranscrire les bons gestes, y compris dans les milieux le plus difficiles. Des acteurs et des actrices qui se sentent habités par cette envie et cette mission de rendre hommage à celles et à ceux qui ont œuvrés pour sauver du péril le plus vieil édifice de Paris et certainement son cœur le plus battant. Jean Jacques Annaud était le seul à pouvoir faire revivre toutes ces émotions, et en plus de son talent de réalisateur, de scénaristes et de metteur en scène il montre qu’il sait également compiler des images d’archives et de vidéos amateurs pour rendre un hommage appuyé à Notre Dame et à tout ceux qui ont œuvré pour la sauver.