Mascarade

Verdict: Excellent

par: Emmanuel Galais



Lorsqu’un jeune gigolo tombe sous le charme d’une sublime arnaqueuse, c’est le début d’un plan machiavélique sous le soleil brûlant de la Côte d’Azur. Les deux amoureux sont-ils prêts à tout pour s’offrir une vie de rêve, quitte à sacrifier celle d’une ancienne gloire du cinéma et d’un agent immobilier ? Passions, crimes, trahisons… Après « M. et Mme Adelman » et « La Belle Époque », Nicolas Bedos tourne en dérision le monde cruel de l’argent roi et nous livre une nouvelle fresque sentimentale.


Après la parenthèse « OSS117 », Nicolas Bedos revient avec un scénario original, dont la genèse est assez surprenant, puisqu’elle résulte d’un roman que le réalisateur n’arrivait pas écrire ou du moins à conclure, jusqu’à ce que sa compagne de l’époque Doria Tellier (La Flamme)  finisse par lui dire d’en faire un film. Un long métrage qui se présente comme un jeu de dupe, dont chacun des personnages est inspiré d’une personne connue par le réalisateur et qu’il a intégré dans une intrigue où chacun est à la recherche d’une réponse ou d’un idéal, où chacun manipule l’autre jusqu’à ce que le tout soit dévoilé dans un final renversant.


Comme il a su si bien le faire dans ses films précédents : « Mr et Mme Adelman » (2017) et « La Belle époque » (2019), Nicolas Bedos cisèle ses personnages et cherche avant tout à mettre en avant les fêlures et à les utiliser pour servir son intrigue. Ici chacun est touché soit par une ambition, soit par une solitude qui se fait pesante ou qui découle d’une soudaine révélation, ou encore simplement comme une renaissance. Bedos appuie là où ça fait mal, et comme s’il cherchait à répondre aux polémiques dont il fut indirectement victime lors de la cérémonie des Césars, pour lequel « La belle Époque » fut récompensé, il montre la fragilité des hommes dans leurs instincts les plus primaires et la force des femmes dans toutes les situations possibles. Jamais hors sujet, le scénario joue entre humour noir, émotion et film noir implacable, dans lequel tout le monde est la victime de l’autre. Le cœur de son scénario étant avant tout l’Amour, avec toutes ses nuances, ses souffrances, mais également toutes ces personnes que l’argent d’une manière ou d’une autre finit par pervertir.


C’est là que le talent du metteur en scène prend tout son sens. Nicolas Bedos, va d’abord utiliser la Côte d’Azur, la Riviera pour plonger le spectateur au cœur de la peur de ces gens riches qui font rêver et les montrer dans leurs faiblesses les plus absolues en restant au plus près des personnages, quitte à les noyer dans les paysages magnifiques de cette région de soleil et de cigales chantantes. Comme un contraste permanent à leur part d’obscurité, Nice apparaît comme un personnage à part entière qui happe ses richissimes habitants pour ne plus les lâcher. Un peu comme un film des années 70, le réalisateur filme une sorte d’intemporalité qui laisse le temps suspendu, et place les personnages dans un paradoxe permanent, à l’image de Martha qui vit dans une région de rêve dans une magnifique villa avec piscine, mais ne sait pas nager et craint le soleil. Ou encore Simon, riche agent immobilier qui vante la beauté des paysages, mais se retrouve enfermé dans une dérive sentimentale qui l’emmène au pire. 


Nicolas Bedos, le dit lui-même, « Mascarade », c’est un peu lui et beaucoup ces gens qu’il a croisé, qu’il côtoyé et qui l‘ont marqué durablement, en bien comme en mal. Du coup son film s’en ressent du début à la fin et c’est le personnage de Margot, redoutablement interprété par Marine Vacth (L’Amant Double) qui va en être l’élément déterminant autant que déclencher. Aidé par Adrien, campé par le toujours impeccable Pierre Niney (Goliath), elle va pénétrer ce monde fermé, qui parait inaccessible et les sentiments vont alors venir jouer les troubles fêtes, pour marquer le film de cette noirceur qui viendra en contraste avec cette image reflété par ces personnes : Martha (Remarquable Isabelle Adjani (La Reine Margot), comme toujours) et Simon (François Cluzet (Inséparables) jamais aussi bon que dans la fragilité).


Pour conclure, signe avec « Mascarade », un film hybride qui cumule, le film noir, la comédie et le fil intimiste, dans un numéro d‘équilibriste parfaitement maitrisé de l’écriture à la mise en scène, en passant par la distribution qui est, sans nul doute ce qui se fait de meilleure et livre ici une prestation précise, touchante et parfois drôle.