Babylon
Sortie:
18/01/2023
Pays:
USA
Genre:
Durée:
189 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Babylon

Verdict: Excellent

par: Emmanuel Galais





Los Angeles des années 1920. Récit d’une ambition démesurée et d’excès les plus fous, BABYLON retrace l’ascension et la chute de différents personnages lors de la création d’Hollywood, une ère de décadence et de dépravation sans limites.

 
Le nouveau film de Damien Chazelle nous plonge dans un univers que l’on croit connaître mais que le temps nous a fait oublier, même si certaines œuvres nous le rappellent de façon assez régulière, mais rarement de manière aussi frontale. D’abord, il faut savoir qu’avant Hollywood, la production cinématographique américaine était surtout concentrée à New-York où des fils d’immigrés pour la plupart virent dans cette nouvelle invention, l’occasion de pouvoir changer de vie et de sortir de la misère. Mais, l’inventeur Thomas Edison, gardait jalousement son œuvre (Oui, pour les Américains l’inventeur du cinéma est Edison, et pour le reste du monde els Frères Lumière, mais là n’est pas le débat), au point de faire payer une redevance à tous les ambitieux que se lançaient dans la production cinématographique, quitte à envoyer des gros bras pour récupérer la redevance des récalcitrants. New-York bénéficiant d’un climat fort peu propice aux tournages à l’extérieur, et la pression d’Edison trop forte, certains décidèrent d’aller en Californie pour y trouver une terre plus accueillante. En schématisant, voilà comment commença l’aventure Hollywoodienne !


Mais ce qui intéresse Damien Chazelle, c’est avant tout comment ces hommes d’affaires, artistes et visionnaires ont voulu en faire un lieu de plaisirs, de joies et d’argent, où la créativité et surtout l’insouciance seraient les maitres mots pour faire couler l’argent à flot. Une nouvelle Babylone, donc ! Mais comme dans la mythologie, Hollywood est présentée comme un microcosme gigantesque fait de péchés et de luxure. Et comme dans la légende de la cité antique ceux qui y brillent peuvent très vite de faire avaler par les ténèbres du système. Et c’est là toute la force du scénario qui nous livre le réalisateur, puisqu’il va explorer cette époque insouciante qui va perdre son innocence lorsque le cinéma parlant, fera son apparition et que certains par peur, par snobisme ou simplement par omission, ne sauront pas prendre le train et se laisseront avaler par les nimbes de la colline. Ce sujet fut déjà abordé dans le « Ed Wood » de Tim Burton en 1994 ou encore dans « The Artist » de Michel Hazanavicius en 2011.


Cette fois-ci pourtant, Chazelle va s’inspirer du cinéma de Baz Lhurman pour signer une mise en scène d’abord flamboyante, qui n’est pas sans rappeler « Gastby le Magnifique » du réalisateur Australien en 2013, particulièrement la scène d’ouverture, dans laquelle la caméra traverse une fête grandiose organisée par un nabab, et dont les tournures ressemblent plus à une orgie qu’à une simple fête. Dans un délire de corps enliassés ou se déhanchant, le réalisateur propose un plan séquence au milieu de ces êtres comme des créatures symboles de la luxure, du plaisir et du vice. La caméra avance comme hypnotisée de toutes ces pièces bondées de musiques et de cris de tout genre. Puis une fois son ouverture posée, le réalisateur revient à un style plus structuré, où il va suivre les pas de ses héros, que ce soit Jack Conrad (Impeccable Brad Pitt (Seven), comme toujours), acteur célèbre qui va passer le film à s’accrocher à son étoile, Nellie LaRoy (Margot Robbie (Suicide Squad) qui signe, ici, l’un de ses plus beaux rôles), jeune femme qui veut trouver sa chance et devenir actrice, mais qui va se laisser prendre au piège de cette Babylon des temps modernes. Et puis Manny Torres (Diego Calva (Les Envolées) touchant et illustre) , un agent de sécurité qui va se retrouver producteur et qui va vite comprendre que les minorités n’ont pas la place de choix dans ce gâteau amer, de la même manière que Sidney Palmer ( Touchant Jovan Adepo (Dans leur regard)), jeune trompettiste afro-américain, qui voit dans le cinéma le moyen de briller mais va vite se rendre compte que la couleur, même en Noir et Blanc, n’est pas anodine.


Parfois décousue pour mieux nous perdre dans un récit qu’il maitrise parfaitement, Damien Chazelle, signe une œuvre grandiose qui nous met face à une histoire dont on peut faire le parallèle avec la situation du cinéma après deux années de Covid. Un nouveau défit aussi fort que l’arrivée du parlant, où l’industrie cinématographique doit apprendre à se renouveler et à trouver les nouvelles recettes qui feront revenir les spectateurs dans les salles, à une ère où le streaming, le piratage et les différents modes de consommations sont venus rabattre les cartes. Le réalisateur s’interroge, interroge l’industrie dont il fait partie et nous par la même occasion. Babylon, est une fable remarquable puissante et touchante qi utilise le passé, un peu fantasmé, mais pas trop, pour mieux nous interroger sur le présent.