Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan
Sortie:
05/04/2023
Pays:
FR
Genre:
Durée:
120 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan

Verdict: Excellent

par: Emmanuel Galais



Du Louvre au Palais de Buckingham, des bas-fonds de Paris au siège de La Rochelle… dans un Royaume divisé par les guerres de religion et menacé d’invasion par l’Angleterre, une poignée d’hommes et de femmes vont croiser leurs épées et lier leur destin à celui de la France.


Après nous avoir embarqué dans sa vision au style plus moderne de la grande aventure de Gustave Eiffel et de sa fameuse tour dans « Eiffel » en 2021 avec Romain Duris dans le rôle-titre, Martin Bourboulon s'attaque à un nouveau monument français mais littéraire cette fois ci : « Les Trois Mousquetaires ».
Et d’autant que l'entreprise ne manque pas de risques, puisqu'on ne dénombre pas moins de 30 adaptations cinématographiques de l'œuvre de Dumas Père, sans compter les séries lives et Animés. C'est bien simple, « Les trois mousquetaires » est une institution qui rayonne dans le monde entier et qui a su inspirer de nombreux scénaristes et réalisateurs, pour le meilleur comme pour le pire. Nous passerons sous silence pour un oubli volontaire le dernier en date, celui de Paul W.S. Anderson avec Logan Lerman et Milla Jovovich en 2011, qui a dû faire se retourner dans sa tombe le pauvre Alexandre Dumas Père. En revanche nous garderons un souvenir nostalgique pour celui d'André Hunebelle de 1953 avec Bourvil et Georges Marchal. C'est bien simple, depuis 1912, Athos, Porthos, Aramis et d'Artagnan reviennent de façon cyclique devant les caméras.


Du coup, on se demande forcément : Qu'a donc de nouveau à nous raconter Martin Bourboulon avec sa propre adaptation ?
Et bien tout ! Tout parce que le genre offre une multitude de possibilités pour peu qu'on ne se laisse pas aller à du n'importe quoi. En plus il faut évidemment savoir doser l’histoire de l'affaire des Ferrets de la reine, que l’on a vu de multiples fois. Il faut trouver et développer, sans aller dans la démesure, une cohérence entre les personnages tout en y ajoutant la touche personnelle qui fera la différence. Et c'est bien ce qu'on fait le réalisateur et les scénaristes Alexandre de la Patelliere et Matthieu Delaporte (Le Prenom). Ensemble, ils se sont attelés à moderniser le propos, à lui donner une autre substance, notamment en tournant autour des personnages plus que de l’intrigue en elle-même, qui se retrouve, en tout cas, pour ce qui concerne l’affaire des Ferrets, en élément de trame et non plus en pièce centrale autour de laquelle tourne les héros. Et c’est une excellente idée, puisque cela permet de mieux s’intéresser aux personnages, à leurs doutes, à leurs démons et éventuellement à ce qui les mène et donne un sens à leur vie. 


Mais nous regretterons tout de même que le Cardinal de Richelieu passe soudainement au second plan, pour laisser la place au Roi et à Milady.
Alors que l’on sait qu’il est LE personnage autour de qui tout s’articule, il ne prend pas cette place centrale et s’efface même dans certaines scènes. Et du coup nous avons un roi Louis XIII, beaucoup plus présent qui, de ce fait, prend plus de sens et plus de subtilité dans la peinture qui est faite de ce personnage majeur de l’histoire de France. Souvent indécis, mais soucieux d’imposer sa légitimité, il apparaît, ici dans cette dualité, et les auteurs ont fait le choix de lui faire prendre plus de hauteur que son conseiller principal. C’est un choix dangereux, qui paye, mais laisse quand même dubitatif, puisque, du coup celui dont on parle durant tout le film, ne fait que jouer de discrétion dans chacune de ses apparitions.


Comme Christophe Gans l’avait fait en 2001 avec « Le Pacte des Loups », Martin Bourboulon fait le choix totalement assumé de moderniser ses personnages et surtout sa mise en scène avec une envie quasi viscérale de mélanger le classicisme de l’œuvre et des postures ou des combats chorégraphiés au millimètre pour donner plus de dynamisme et plus de réalité tout en gardant un aspect spectaculaire qui colle parfaitement à l’œuvre. Les combats sont virevoltants, musclés et correspondent totalement à ce qu’on attend d’un film de cape et d’épée mais avec des personnages plus masculins, plus machos. Autre liberté prise avec l’œuvre de Dumas, mais ce n’est pas la première dans la sphère des adaptations des « Trois Mousquetaires », Athos, Porthos et Aramis sont peint de façon bien différente, avec un Athos, plus sombre, plus torturé, que Vincent Cassel (Juste la Fin du monde) incarne avec puissance et plus de retrait que dans ses précédentes partitions. Aramis est quant à lui, un charmeur moins exubérant que dans les précédentes adaptations, et l’interprétation qu’en fait Romain Duris (Eiffel) lui donne tout son sens, même si son introduction manque peut-être de saveur, elle n’en demeure pas moins réussie. Mais c’est le personnage de Porthos, impeccablement joué par Pio Marmaï, devenu justement inévitable, qui subit le plus grand changement, afin de coller au mieux à l’époque. Décrit comme un bon vivant usant de tous les plaisirs de la vie, dans le livre de Dumas, les auteurs poussent cela jusque dans sa sexualité, devenue débridée. 


Enfin pour conclure, parlons des deux personnages centraux de cette nouvelle adaptation qui se déroule en deux parties.
Milady, tout d’abord, qui prendra certainement plus de volume et de profondeur dans la deuxième partie qui porte son nom, apparaît ici, plus froide et plus en distance que dans les adaptations précédentes. La composition qu’en fait Eva Green (Dumbo) est totalement réjouissante, car, certainement grâce à sa carrière américaine, la comédienne parvient avec une justesse remarquable à donner à son personnage une consistance qui n’attend plus qu’à éclater lors de la deuxième partie mais dont on sent déjà les fêlures. Et puis, bien sûr, il y a D’Artagnan, interprété par François Civil, un acteur qui, depuis 2019, et des films comme « Le Chant du Loup » d’Antonin Baudry ou « Deux Moi » de Cedric Klapisch, a su prouver qu’il était capable de tenir un film sur ses épaules. L’acteur donne une véritable fraicheur à son personnage et son jeu entre modernisme et classicisme donne tout son sens à la vision du réalisateur et ne va jamais dans le mauvais sens. 


Nous l’aurons bien compris, cette adaptation des « Trois Mousquetaires : D’Artagnan » est une réussite, malgré des défauts bien excusables qui ne demandent qu’à trouver un sens dans la deuxième partie prévue en Décembre.
Deuxième grosse production de l’année à découvrir dans les cinémas.