Une Vie
One Life
Sortie:
21/02/2024
Pays:
GB
Genre:
Durée:
119 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Une Vie

Verdict: Excellent

par: Emmanuel Galais



Prague, 1938. Alors que la ville est sur le point de tomber aux mains des nazis, un banquier londonien va tout mettre en œuvre pour sauver des centaines d’enfants promis à une mort certaine dans les camps de concentration. Au péril de sa vie, Nicholas Winton va organiser des convois vers l’Angleterre, où 669 enfants juifs trouveront refuge. Cette histoire vraie, restée méconnue pendant des décennies, est dévoilée au monde entier lorsqu’en 1988, une émission britannique invite Nicholas à témoigner. Celui-ci ne se doute pas que dans le public se trouvent les enfants – désormais adultes – qui ont survécu grâce à lui...


Pour son premier Long Métrage, James Hawes, qui fut le réalisateur des épisodes de séries comme « Slow Horses » pour Apple TV et produisit également la série « Snowpiercer » pour Netflix, a décidé de s'attaquer à une figure majeure de la Seconde Mondiale : Nicholas Winton. Un homme hors du commun qui sauva 669 enfants Tchécoslovaques en les mettant en sécurité en Angleterre, juste avant qu'Hitler n'envahisse la Pologne et que la seconde guerre Mondiale ne commence. Ce qui rend captivant l'histoire de ce Schindler britannique, c'est que l'homme n'en parlait jamais et refusa de s'en accréditer les honneurs. Il faudra une émission de télé en 1988, soit 50 ans plus tard, pour que l'histoire ne soit révélée au public et que l'homme reçoive enfin les honneurs qui lui étaient dus. C'est maintenant au cinéma que l'homme, décédé en 2015 à l'âge canonique de 106 ans, trouve maintenant un hommage à la hauteur de son engagement héroïque. Et James Hawes, a décidé pour cela de se donner les moyens de ne pas être en dessous de l'aura du bonhomme, réputé pour sa gentillesse et pour son immense humilité. 


Et son premier choix, fut de ne pas raconter de façon linéaire l'histoire de Winton, et pour commencer de s'appuyer sur le livre « If It's Not Impossible » de Barbara Winton, la fille de Nicholas Winton. Une manière de parler de l'intérieur cette histoire hors du commun et particulièrement de l'impact personnelle qu'un tel acte peut avoir sur une existence entière, une réflexion comme si l'on se chantait la chanson de Goldman : « Juste Après ». Car la première des questions est : Comment vit-on après avoir sauvé tant d'enfants ? Alors, le réalisateur, aidé de sa scénariste Lucinda Coxon (The Danish Girl), se sont intéressé à l'histoire d'origine et à celle plus personnelle d'un vieil homme qui fait du vide dans son passé et se recentre sur ce qui l'a le plus marqué : le regard et le destin de ces enfants dont il ne savait pas ce qu'ils étaient devenus après le sauvetage. Juste et précis, sans besoin de surligner l'horreur et la puissance émotionnelle d'une telle Vie, le scénario raconte sobrement mais avec efficacité et précision l'histoire de Winton, et celle de ce sauvetage.


Et d’ailleurs, c’est la mise en scène de Hawes qui va faire la différence, car, moins sombre que celle de Spielberg avec « La Liste de Schindler », il va superposer les deux époques et laisser les faits parler pour eux. En utilisant le moins possible, de scènes choquantes, les faits relatés suffisent à eux-mêmes, il va, au contraire, nous plonger sans aucun effort dans la douleur de ces enfants, la détermination de cet homme et surtout l'humilité qui le caractérisait. Soucieux de toucher du doigt les racines de son sujet, le réalisateur n'hésita pas à filmer sur les lieux mêmes où les enfants dirent adieu à leurs familles, et à les faire venir sur le lieu du tournage, sans prévenir l'acteur principal, offrant ainsi l'une des scènes les plus touchantes du film. 


Et d'ailleurs puisque l'on parle de l'acteur principal, comment ne pas souligner l'extraordinaire prestation d’Anthony Hopkins. L'acteur dont la carrière fourmille de chefs-d ‘œuvres comme « Éléphant Man » (1980) de David Lynch, « Les vestiges du jour » (1993) de James Ivory ou encore « Le Silence des Agneaux » (1991) de Jonathan Demme, signe ici l'une de ses plus belles prestations. Un personnage touchant, qui peut paraitre distant, mais se révèle d'une humilité renversante et d'une émotivité palpable. L'acteur est précis, grandiose dans ses silences et joue de son regard et de son corps pour donner toute la douceur et la force qui sortaient de cet homme incroyablement discret.