Un Jour Fille

Verdict: Très Bon

par: Emmanuel Galais



XVIIIe siècle. Anne, grandie fille, doit « changer d’habit » en raison de son attirance pour les femmes. Devenue homme, il se marie, et vit une grande histoire d’amour avec sa nouvelle épouse jusqu’à ce que son passé le rattrape...L’histoire vraie et bouleversante d’Anne Grandjean née intersexe, et de son procès retentissant, qui interroge encore aujourd’hui toutes nos certitudes...


Pour son deuxième long-métrage, le réalisateur Jean-Claude Monod a décidé de s’intéresser à l’histoire d’Anne Grandjean dont le procès fit grand bruit en 1763. En effet, née Intersexe (dans ce cas précis, les attributs supposés des deux sexes), elle fut d’abord reconnue comme étant fille puis, lorsque les premiers émois l’ont dirigé vers l’attirance des femmes et l’absence de règles, elle fut déclarée garçon. Afin de fuir, les moqueries et autres méchancetés, il, donc, changea de région, y trouva l’amour, se maria et connut enfin le bonheur, jusqu’à ce que son passé le rattrape.


Malgré un budget qui apparaît rapidement plus que serré, le film « Un Jour Fille » surprend par la qualité de sa reconstitution d’un XVIIIème siècle où les croyances sont bien plus importantes que le savoir et où tout se mélange, sans que jamais le bonheur de l’un ou de l’une ne soit pris en compte. La mise en scène de Jean-Claude Monod, a qui l’on doit notamment « Augustine » en 2011 avec Vincent Lindon, va profiter de cette histoire pour en faire une sorte d’allégorie de notre histoire, une allégorie qui sera tout entière contenue dans le procès en appel d’Anne Grandjean et dans la joute verbale entre l’avocat de l’accusée et le procureur qui argumentent l’un et l’autre autour de la définition même du mariage et de ce que doit être l’amour et de la manière dont il est de bon ton de ce comporter pour ne pas être en dehors de la conformité de l’époque. Une époque qui, rappelons-le, sera celle des grands bouleversements sociétaux, à commencer par l’évènement la république et du droit du citoyens. Et si le scénario manque parfois de finesse et se laisse un peu trop aller à des considérations un peu trop téléphonées, il a le mérite de nous plonger, avec un certain savoir-faire, dans une époque, où la religion dicte souvent la conduite à tenir chez les moins cultivés, pour pouvoir se protéger d’une éventuelle vindicte populaire.


La mise en scène peut parfois apparaître en dent de scie, notamment, nous l’imaginons assez facilement, à cause d’un plan de tournage serré, qui ne permet pas de prendre son temps pour trouver la note parfaite, mais permet, au moins de trouver la tonalité juste, pour pouvoir laisser transparaitre une émotion et une peinture d’une histoire où toutes les pensées et les attitudes, parfois les plus immondes, viennent retranscrire une image d’une époque divisée entre tradition et progrès, mais qui avait, encore, de grands efforts à faire pour comprendre la nature et ses subtilités. Monod, filme serré et compense par des plans soignés pour mieux nous entourer de douceur et de bienveillance dans une histoire qui en manque cruellement. Sa reconstitution de l’époque est précise, jusque dans les moindres sonorités et son traitement parvient habilement à éviter le piège d’appuyer un peu trop le trait de la comparaison entre le XVIIIème et notre siècle. Même si la joute verbale et particulièrement la plaidoirie de l’avocat d’Anne, joué par un Thibault de Montalembert (Chocolat), toujours aussi précis et inspiré, manque parfois de subtilité, le réalisateur ajuste finement ses plans, pour que le spectateur se laisse embarquer dans une histoire d’une violence psychologique inouïe sans jamais avoir une impression de lourdeur.


Côté distribution, il y a, bien sûr les prestations remarquables de Yannick Renier (Les Chevaliers Blancs) et Thomas Scimeca (Sous le tapis), mais la révélation reste Marie Toscan, qui signe, ici, sa première composition dans un long métrage. Et même si parfois le ton est en dent de scie, son magnétisme opère et la comédienne, nous captive et compose un personnage complexe, avec une véritable sincérité, qui touche droit au but. Un regret tout de même, la prestation d’Isild Le Besco (Mon Roi), un peu trop effacé, au point que l’on a du mal à cerner son personnage et les intentions de son interprète.