Un simple fermier irakien reçoit un invité inattendu qui frappe à sa porte. Un invité qu'il doit cacher à sa famille, à ses amis et à 150 000 soldats américains. Cet invité est le président Saddam Hussein. Les images du dictateur irakien Saddam Hussein rampant hors d'un trou dans le sol en 2003 sont emblématiques. Aujourd'hui, 20 ans plus tard, l'homme qui a creusé ce trou raconte l'histoire fantastique de la façon dont lui, un simple fermier, a caché le président déchu sous un parterre de fleurs dans son jardin pendant huit mois.
De la part des Occidentaux, il est difficile de regarder un documentaire tel que celui de Halkawt Mustafa, qui avait déjà divisé les critiques avec son précédent film « Red Heart » en 2012, tant nous sommes abreuvés d’informations, souvent à charge, et avons un regard bien différent des Iraquiens du Dictateur et particulièrement des fermiers de l’époque qui n’avait qu’une chaine d’informations comme fenêtre sur le monde. Avec son documentaire, illustré de reconstitutions avec des acteurs, de la traque de Saddam Hussein par les Américains, mais cette fois-ci à travers les yeux du fermier qui l’a caché pendant 235 jours. Et cela fait toute la différence, car Alaa Namiq n’est pas un politicien, encore moins un entertainer. C’est un agriculteur, qui vit en accord avec ses coutumes et ses devoirs. Comme il le dit si bien lui-même dans une diction posée et mesurée : « L’Hospitalité chez nous est sacrée. Quand un invité arrive chez vous, vous ne lui demandez pas combien de temps il compte rester, surtout si cet invité est Saddam ! ». A la fois comme confidences honnêtes et sans détour et comme argumentaire dans l’aide qu’il a apporté à celui qu’il appelle « Le président », pour échapper aux Américains.
Ce qui est intéressant, c’est que l’homme parle de ces 235 jours avec un certain apaisement qui montre à quel point il estime, à juste titre, en fonction de ses valeurs et de ce qu’il ignorait à l’époque, avoir fait son devoir envers celui qui dirigeait le pays d’une main de fer (Et le mot est pesé !). Ce qui est intéressant dans le reportage de Halkawt Mustafa, c’est qu’il donne la parole à ceux que l’on a quasiment jamais entendu jusqu’ici : Les Iraquiens de la terre, ceux du bas de l’échelle, ceux qui on vu l’arrivée des Américains comme une invasion, et non pas, comme cela fut dit par les intéressés, comme des libérateurs du pays. Car comme le dit si bien Alaa Namiq : « nous ne savions rien de la terreur et encore moins du génocide dont il fut le commanditaire. Pour nous le président était parfait », il fallait le sauver coûte que coûte. Et simplement, presque en total contrepied de ce qu’il se passe dans le pays à ce moment et dans une grande partie du monde, le réalisateur nous pose en spectateur de ce témoignage ou un simple fermier va venir en aide à son leader, le porter dans les marais, lui construire une cachette d’urgence (Le Fameux Trou, où sera trouvé le dictateur), et devenir le lien avec les proches d’Hussein. Sans jugement, sans connivence ni colère envers les Américains, le réalisateur cherche, avant tout, à lever un voile, toujours jalousement fermé pour que l’Occident ne garde en tête qu’un dictateur sanguinaire, ce qu’il était assurément. Ici, c’est le peuple iraquien qui arrive sur le devant de la scène, ce peuple qui s’est pris le revers de la chute de Saddam en plein visage, avec un pays dévasté et peu de gens pour s’en émouvoir.
Halkawt Mustafa mêle des images d’archives, des deux côtés de la barrière, au risque parfois de choquer, comme lorsqu’il montre les images de la prison d’Abu Ghraib, ou encore les vidéos de la résistance Iraquienne en pleine action, mais plus pour créer un véritable contraste avec les images de cet homme qui se cache, qui a perdu ses repères mais gardent son aura sur une partie de son peuple inconscient du sang qu’il sur les mains. C’est aussi là que le film se perd parfois, car si l’on ressent l’amour que le réalisateur porte à son pays et cette vision radicalement différente qu’il a de l’invasion Américaine, une vision partagée maintenant par un grand nombre d’occidentaux, il manque tout de même parfois un peu de contradiction dans le propos. Car le témoignage d’Alaa Namiq est fort et met en avant que le dictateur fut trouvé suite à la trahison de ses pairs et non du fermier, mais il occulte, consciemment ou non, ce que ce dernier pense 20 après de tout ça ! Il n’en demeure pas moins que « Hidding Saddam Hussein » est un documentaire autant touchant que nécessaire pour mieux comprendre ce qu’il s’est passé durant la traque et comment Saddam Hussein a réussi à échapper aux griffes des Américains pendant 235 jours. C’est aussi un film qui donne voix aux Iraquiens silencieux, ceux qui n’avaient rien à voir avec la politique, l’armée ou je ne sais quoi. Ceux qui ont vu la terre de leur pays brûler d’un feu extérieur et mouiller du sang des leurs et des étrangers envoyés par un autre président, pour des intérêts tout aussi obscures que ceux de Saddam Hussein.