Dans un commissariat du 1er arrondissement de Marseille, trois enquêteurs, deux hommes et une femme, font face aux récits des viols qui sont perpétrés quotidiennement dans la cité Phocéenne. Chaque jour, ils reçoivent des victimes de tout âge, genre et milieu social. Chaque jour, ils mettent leur professionnalisme au service de cette brigade haute en couleurs, où le drame côtoie l'humour, et la noirceur l'espoir.
Lorsque nous lisons un tel pitch, nous pensons immédiatement à « Polisse » (2011) de Maïwenn qui racontait le quotidien d’une équipe de la police des Mœurs, de ses états d’âmes et de la dureté d’être confrontés à des enquêtes particulièrement difficile dans lesquelles les victimes et les bourreaux sont au cœur de sujets d’une horreur souvent insoutenable, mais avec une sensibilité qui rend le propos plus fort et plus imprégnant. Le film de Sabrina Nouchi (Juste Sam) s’inscrit dans cette lignée en nous faisant partager le métier d’une brigade du 1er arrondissement de Marseille. Mais si le film de Maïwenn avait pris le parti d’y ajouter une dramaturgie de manière à ne pas installer le spectateur dans le siège de Voyeur, mais également pour mieux comprendre l’impact que toutes ces affaires ont sur les enquêteurs de cette brigade, le film de Sabrina Nouchi choisi, au contraire, de nous confronter pendant un peu plus de deux heures, à une succession de personnes venues déposer plainte, témoigner ou répondre de leurs actes.
Cette succession de scènes, que la réalisatrice et sa Coscénariste Catherine Sorolla, qui est aussi son actrice principale, n’est pas le résultat d’une série d’interview, mais de l’imaginaire des deux auteures, de leurs souvenirs d’histoires entendues. Et la mise en scène qui aborde assez froidement chacune des histoires pour amener le spectateur à réfléchir de la même manière que les policiers, est, il faut bien le dire, éprouvant parce qu’il ne guide pas vers l’empathie, il force le public à réfléchir à ce qu’il entend et à faire ses propres conclusions et par ce biais à ressentir de l’empathie, de la colère ou du dégoût pour ce qui vont se succéder, et vont s’exprimer devant les policiers. Sans jamais laisser le temps aux spectateurs de reprendre leur souffle, la réalisatrice, ne va offrir que très peu de scènes de décompression et nous plonger au cœur de cette spirale infernale et quotidienne que vivent, finalement, les policiers de cette brigades mœurs.
Seulement voilà, la comparaison est quasi inévitable, d’autant que Sabrina Nouchi semble s’être inspiré volontairement ou non du film de Maïwenn, puisque l’on y trouve des similitudes comme la scène où les policiers ont un fou rire incontrôlable, ou encore le commissaire qui s’emporte devant le comportement d’un mis en cause. Et le jeu, parfois, approximatif de certains acteurs, dont une partie vient de l’école de théâtre de la réalisatrice, et qui manque certainement d’expérience, font que la sauce ne prend pas toujours. Il n’en demeure pas moins que certains passages du film, sont déchirant de justesse et finissent par nous embarquer et la gêne que l’on ressent ou les différents sentiments qui nous assaillent tout au long du film, est nécessaire pour que l’on comprenne, à la fois la difficulté du travail de ces policiers, qui n’est pas de juger, mais d’écouter et de délier le vrai du faux et surtout d’accompagner les victimes.
« Ça Arrive » de Sabrina Nouchi est un film nécessaire, qui provoque une succession de sentiments qui rend l’expérience de 2h00 éprouvante pour les spectateurs, presqu’autant que l’affiche du film qui met tout de suite le public dans le vif du sujet. Le parti pris de la réalisatrice d’installer le spectateur dans le siège des policiers est intéressant, mais il est dommage que le jeu parfois approximatif de certains acteurs vienne perturber l’immersion. Dans tous les cas, ce film est nécessaire parce qu’il oblige le spectateur à réfléchir sur ce sujet, qu’est le viol et qui apparaît toujours aussi mal soutenu par la justice, laissant souvent les victimes dans leur souffrance. Le film lève le voile d’ailleurs sur ces personnes dont la vie est brisée, parfois dans l’indifférence de leurs agresseurs et de procédures qui ne parvient pas à apporter la réponse adaptée et laisse parfois les policiers seuls face à la détresse et à la violence de ces affaires.