La genèse de l’album « Nebraska » au début des années 80, période au cours de laquelle le jeune musicien, sur le point d’accéder à une notoriété mondiale, lutte pour concilier les pressions du succès et les fantômes de son passé. Enregistré sur un magnétophone quatre pistes dans la chambre même de Bruce Springsteen dans le New-Jersey, « Nebraska » est un disque acoustique incontournable aussi brut qu’habité, peuplé d'âmes perdues à la recherche d'une raison de croire.
Voilà un Biopic, comme on aime les voir. Non pas une œuvre linéaire reprenant : « La Naissance, la Vie et la Mort » de l’artiste, mais plutôt, un instant majeur dans sa carrière, celui qui va illustrer sa personnalité, son art et mieux nous permettre de comprendre les étapes de la créativité et surtout de mieux cerner la personnalité de l’Artiste, ce qui le rend différent ou au contraire radicalement proche de nous. Et Scott Cooper l’a bien compris en s’attaquant à une figure majeure du rock Américain : Bruce Springsteen. Un artiste captivant par son décalage total d’avec le Star Système dans lequel il évolue.
Et c’est en se basant sur le livre de Warren Zanes : « Deliver Me from Nowhere : The Making of Bruce Springteen’s Nebraska » paru en 2023, que le réalisateur s’est lancé dans l’écriture du scénario de ce biopic, qui va épouser dans la forme comme dans l’intention, l’état d’esprit de l’artiste au moment de la création de l’album « Nebraska ». Nous sommes en 1981, Bruce Springsteen sort d’une tournée mondiale épuisante qui suivait la sortie de l’album « The River », bourré de Tubes comme « Hungry Heart », « The River » ou encore « The Ties That Binds ». N’importe quel artiste serait resté sur la même lignée et se serait lancé dans un nouvel album recelant des tubes planétaires. Mais voilà, l’artiste est en plein « Burn Out » et il doit se battre contre son plus grand démon : La Dépression. D’autant qu’il va s’enfermer dans une maison dans le New-Jersey, la terre de son enfance. Springsteen va alors enregistrer des chansons sur un quatre pistes dans la chambre à coucher de la demeure. Mais voilà lorsque la maquette arrive en Studio, Springsteen ne retrouve pas l’essence de ces morceaux, et comme à son habitude, il va passer des semaines à se torturer l’esprit et celui des autres pour trouver le son qu’il veut. Et il faudra toute la patience et la force d’écoute de son manager Jon Landau pour que « Nebraska » voit le jour. Un album qui prend complètement le contre-pied de ce que devait être l’album à l’origine et ce qu’attendait la maison de disque après une telle tournée. Le style y est sombre, épuré et tranchant.
Et c’est ce que l’on peut dire de ce biopic ! Scott Cooper, livre une œuvre totalement en adéquation avec son sujet. Le réalisateur laisse son personnage prendre possession de l’histoire, et le fait d’avoir tourné à New-Yoirk et dans les lieux mythiques de la star au New-York comme Asbury Park, ne fait que participer à créer l’osmose entre le sujet et la mise en scène. Et même si l’on peut reprocher au réalisateur de na pas avoir laissé de place au groupe pour se focaliser sur la relation de confiance entre le manager et l’artiste, « Deliver me From Nowhere » se révèle une magnifique porte ouverte que le processus de création de Bruce Springsteen. Comment un film parlant d’un sombre fait Divers lui inspire la chanson « Nebraska », comment il puise dans ses souvenirs pour écrire « Mansion on the Hill » ou encore « Atlantic City ».
Et puis bien sûr tout repose sur les prestations du duo Jeremy Allen White (The Bear) et Jeremy Strong (Succession). Jeremy Allan White, signe une prestation renversante de justesse. En prêtant ses traits au « Boss », il ne cherche pas le mimétisme, mais lui apporte, au contraire, une image plus sombre, qui lutte contre son démon intérieur et va s’en servir pour créer son « Masterpiece (Chef-d’œuvre) ». L’acteur joue en trainant presque son corps, se laissant parfois noyer par le décor, comme pour mieux illustrer la solitude de l’artiste. Face à lui Jeremy Strong, signe, cici, une prestation toute en discrétion, qui s’efface presque, pour mieux laisser briller son partenaire, comme Jon Landau le fit avec Springsteen. Toujours aussi précis dans son jeu et dans sa palette de nuances, l’acteur signe, ici, encore, l’un de ses plus prestations.