Le Guide du voyageur galactique
The Hitchhiker’s guide to the galaxy
Sortie:
17/08/2005
Pays:
USA
Genre:
Durée:
1h50 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Le Guide du voyageur galactique

par: Sebastien Keromen



Quand l’humour british rencontre la science-fiction, ça donne une grande série radiophonique délirante, une trilogie en cinq volumes culte, une série télé honnête, et un film décevant.

Le Guide du voyageur galactique
Titre original : The Hitchhiker’s guide to the galaxy
USA, 2005
Réalisateur
 : Garth Jennings
Acteurs : Martin Freeman, Mos Def, Sam Rockwell, Zooey Deschanel, John Malkovich, Alan Rickman, Stephen Fry, Warwick Davis, Helen Mirren
Musique de :
Adapté du roman culte de Douglas Adams. Comme j’ai lu quelque part : " Ce livre étant le plus drôle du monde, vous pouvez le lire "
Durée : 1h50

L’histoire
Arthur Dent est un terrien qui ne se doute de rien. Il ignore que la Terre va bientôt être détruite pour faire passer une déviation hyperspatiale, et il ignore aussi que son meilleur ami vient de Bételgeuse (enfin, une petite planète aux confins de Bételgeuse), ce qui tombe bien parce que celui-ci (l’ami, pas Bételgeuse) va lui sauver la vie en le faisant embarquer sur un vaisseau spatial. Heureusement que le Guide du voyageur galactique va lui expliquer toutes les bizarreries qu’il croise.


La critique

Pourtant, je le savais. Impossible que le film soit aussi bon que le livre. Mais quand même, j’espérais y retrouver une bonne partie de son humour pince sans rire, ses bons moments, et surtout rire autant que quand je le relis. Peine perdue. Le film est passé à côté du livre en hyperespace. Je vais détailler un peu les dégâts, mais si vous avez la flemme de tout lire, retenez ça : si vous connaissez le livre, ne vous déplacez pas, vous serez déçu. Si vous ne connaissez pas le livre, le film vous semblera sans doute un peu bizarre, parfois drôle, parfois inventif, mais je ne saurais trop vous conseiller de lire le livre et de me rejoindre dans la première catégorie. Et d’enchaîner avec les 4 autres volumes. Et de les relire, encore et encore, jusqu’à ce que mort de rire s’ensuive.
A l’origine, était d’abord une émission radiophonique à la BBC en 1978. L’histoire fut adaptée en livre l’année suivante. Puis suivirent en 1980 une nouvelle série d’émissions et le deuxième livre (Le Dernier restaurant avant la fin du monde), une adaptation télé en 6 épisodes d’une demi-heure reprenant les deux livres en 1981, puis La Vie, l’univers et le reste en 1982, Salut et encore merci pour le poisson en 1984, et Globalement inoffensive en 1992. Tant d’œuvres absolument irrésistibles à découvrir ou à relire. Vous pourrez d’ailleurs noter qu’à l’origine le premier livre s’intitulait Le Guide du routard galactique (voir figure 1 mon exemplaire tout jauni mais collector), puis renommé simplement Le Guide galactique sans doute à la demande d’un ouvrage au nom similaire (voir figure pas loin de 1), et grâce au film appelé finalement Le Guide du voyageur galactique (voir figure de dextre), ce qui devrait mettre tout le monde d’accord. J’oublierai poliment le joli H2G2 qui précède le titre du film en France et qui, s’il a un sens en VO (HitchHiker’s Guide to the Galaxy, soit HHGG si vous comptez bien), pue le marketing chez nous.


Fin de l’encart culturel, passons au film. Pourquoi donc est-ce raté, qu’est-ce qui manque ?
Je suis tenté d’être lapidaire et de répondre : un film anglais, et non un film hollywoodien. De même que Garfield il y a peu, Hollywood n’arrive apparemment pas à comprendre les anti-héros, les héros nuls. Arthur est ici tout de même assez cruche, mais pas aussi maladroit et perdu que dans le livre. Et évidemment, on ne nous épargne pas la love-story, genre barouder dans l’espace c’est sympa, les questions existentielles aussi, mais la seule chose vraiment importante, c’est de trouver l’amour. Du Hollywood pur sirop d’érable. En fait, deux trucs me gênent vraiment dans le film. D’abord, rien ne correspond à la vision que j’avais pu me faire à la lecture du livre. C’est sans doute très subjectif, mais autant des films comme Harry Potter ou Le Seigneur des anneaux semblent reprendre les images qui me traversait la tête à la lecture des livres, autant pas une fois je ne me suis senti " chez moi " dans ce film. Les décors pêchent un peu, les acteurs n’ont pas l’air d’y croire, un sentiment de " y a un truc qui cloche " prédomine tout du long. En fait, seul le vaisseau Cœur-en-or et surtout ses voyages en improbabilité infinie sont vraiment réussis. On appréciera aussi que si les acteurs en chair et en os ne sont pas à la hauteur (même John Malkovich n’est pas en forme), la distribution des voix est royale : Stephen Fry pour le Guide, Helen Mirren pour Compute-un, et surtout Alan Rickman pour Marvin le robot dépressif, un petit régal.


Deuxième problème : une bonne partie de l’humour british et nonsense s’est fait la malle.
Tout ce qui ressemblait à la logique tordue genre Lewis Caroll. Par exemple, la démonstration foireuse de Ford au chef des travaux pour le convaincre de s’allonger dans la boue à la place d’Arthur a disparu. À la place, il paye une bière à tout le monde. Weak. Exit aussi les Philosophes qui exigeaient de pouvoir être ou ne pas être Broumcalin. Pas mal de gags ont évidemment disparu entre le livre et le film, durée oblige, mais généralement ceux qui restent ne sont pas les meilleurs et ne sont pas bien mis en valeur. Certaines scènes sont d’ailleurs complètement ratées, comme la demande à l’ordinateur Compute-un et sa réponse surprenante, montées en épingle et mémorables dans le livre, mais expédiées à la va-vite dans le film. L’histoire a d’ailleurs été pas mal modifiée, pour le meilleur ou pour le pire, je me rends difficilement compte. On va dire que ça n’apporte pas grand chose (mais c’était peut-être nécessaire pour la narration), que ça ne contredit pas le livre sur le fond, mais ça fait quand même bizarre que Zappy explique dès le début qu’il cherche la question à la réponse suprême. Sans compter un voyage sur Vogsphere totalement inédit. D’ailleurs, le film ne se prive pas d’ajouter des Vogons partout. Et on se demande bien pourquoi, parce qu’ils ne sont pas franchement très réussis. Douglas Adams ayant travaillé sur le scénario, avant sa mort, on va supposer que c’est avec son assentiment que l’histoire a été réécrite, mais quand même, c’est pas tout à fait convaincant.


Le film a bien essayé de concilier les fans
, en utilisant la musique originale de la série radiophonique (et de la série télé), en casant en caméo le Arthur Accroc de la série télé (en apparition holographique à l’approche de Mégrathmoilà), et le Marvin l’androïde de la série télé dans une file d’attente sur Vogsphere. Certaines scènes sont également reprises directement du livre, et on trouve avec plaisir la scène intégrale du cachalot, Eddie l’ordinateur toujours aussi jovial, le poisson Babel (même si son nom n’est pas cité, et que la démonstration de la non-existence de Dieu citée dans le Guide est coupée), et quelques extraits du guide (mais de plus en plus rares au fur et à mesure que le film avance). Pour ma part, je trouve tout de même que de ne pas citer du tout les montres à quartz est un oubli irréparable, de même que de passer sous silence le Nutri-matic qui sert un liquide qui est presque, quoique pas exactement, tout sauf du thé. Selon vos souvenirs de lecture, peut-être retrouverez-vous d’autres scènes ou détails dans le film, ou au contraire pas, mais je crains que ce soit plutôt pas. Dans cet ordre d’idée, on regrettera que les deux têtes et trois bras de Zappy Bibicy soient si mal faites, avec le troisième bras qui n’apparaît qu’à deux occasions, et la deuxième tête sous la première (alors qu’il est bien spécifié dans le bouquin qu’elles sont côte à côte). C’était sans doute plus facile et moins cher, mais quand on voit que la série télé avait respecté ce point (avec une tête en plastique un peu maladive, il est vrai), on regrette qu’Hollywood ait joué la facilité.

Continuant sur ma lancée, un mot sur la traduction. C’est pas mon genre de vouloir tout traduire en français, et je suis le premier à trouver ridicule de transformer Frodo en Frodon dans le Seigneur des anneaux. Pour le Guide, c’est un peu différent. Parce que chaque nom recèle un jeu de mots inavouable, ou en tout cas une sonorité propre. La traduction du livre est en ce sens remarquable, mais n’a pas été reprise par le film (en tout cas pas dans les sous-titres, je ne sais pas pour la VF). Pour une fois, tout est gardé à peu près en VO. Bon, on ne pleurera pas trop les jeux de mots, qui rendent toujours mal au cinéma, mais quand on voit Arthur s’étrangler quand l’autre lui dit que son nom est « Slartibartfast », on a un peu du mal à comprendre. Avec le « Saloprilopette » du livre, ça aurait été plus clair. Bizarrement, même Ford a perdu son patronyme (Ford Prefect en anglais, Ford Escort en français, soit dans tous les cas un nom de voiture qu’il avait cru « passablement passe-partout » à son arrivée sur Terre). Bizarre, oui. Ford (le constructeur automobile) n’aurait-il pas voulu payer pour la pub ?
Si vous êtes encore là, à me lire, vous méritez une conclusion. En très court, la conclusion est que le film ennuie presque, rappelle quelques gags du livre en faisant regretter qu’il n’y en ait pas plus, rate sa cible en tant que film de science-fiction et en tant de comédie. Les livres de Douglas Adams ne s’adapteront sans doute jamais bien sur grand écran, ne perdez pas 1h50 à le vérifier par vous-même, croyez-moi sur parole et profitez de ce temps pour relire les livres. Vous me trouvez peut-être un peu dur avec le film, mais, quitte à passer 1h50 avec le Guide, passez-le dans le livre.

A voir : non. Les livres, à lire : oui
Le score presque objectif : 5/10 si vous avez lu le livre, et si vous ne l’avez pas lu, lisez-le plutôt que d’aller voir le film
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -2, mais +42 pour les livres

Sébastien Keromen