Virgil

par: Laurent Berry



Enfin est-on tenté de dire, un film français trouve la ressource d’explorer la comédie mélodramatique avec panache et justesse. Avec Virgil, son premier long-métrage, Mabrouk El Mechri frappe un grand coup et transforme ses premiers essais de court-métrage. Un film réussit et un casting parfait que nous avons pu découvrir en avant-première à l'UGC Bordeaux.



VIRGIL

de Mabrouk El Mechri
Avec Jalil Lespert, Léa Drucker, Jean-Pierre Cassel, Philippe Nahon, Karim Belkhadra, Tomer Sisley
Sortie le 7 septembre 2005

Chaque semaine, Virgil fait rêver son père Ernest en lui racontant ses exploits de boxeur le temps d'un parloir. Chaque semaine, Virgil vient rêver en croisant le regard de Margot, une jeune femme elle aussi en visite. Cette semaine, Ernest lui annonce qu'il va sortir et qu'il va enfin pouvoir revoir Virgil sur un ring. Un seul problème : Virgil ne boxe plus depuis trois ans...



Enfin est-on tenté de dire, un film français trouve la ressource d’explorer la comédie mélodramatique avec panache et justesse. Même si au départ le film devait s'intituler Dans la quatrième, tu te couches, Virgil aurait pu s’appeler Boxe Funk Love pour rester dans l’esprit du film Punch Drunk Love (2002) dont Mabrouk El Mechri compte s’inspirer pour son prochain film.

Virgil est le premier long-métrage de Mabrouk El Mechri après trois courts métrages (Mounir et Anita (1997), Generation Cutter (2000),  Concours de circonstances (2003)) réalisés au sein du groupe "Connu Méconnu" fondé par Mathieu Kassovitz. Concours de circonstances a été sa première collaboration avec Léa Drucker que l’on a déjà pu voir dans Filles perdues, cheveux gras ou Narco(2005). 

Ce premier film est plein de qualités mais il faut constater en particulier la justesse d’une très belle distribution qui participe sans doute à la profondeur atteinte dans la construction des personnages, une bande originale stylisée et funky (à base de Lalo Schifrin, Elmer Bernstein et Curtis Mayfield ) qui donne une étonnante teinture rythmique à cette comédie romantique déguisée en film d’action sur la boxe et un soucis constant de cohérence évidente, certitude étonnée mais subtile où les signes et les personnages aiment à fonctionner en couple.



La mise en scène crée ce jeu de polarité entre les personnages en explorant à peu près toutes les formes de transactions. Ernest (J-P Cassel) et Virgil sont dans une relation père-fils à l’intérieur de laquelle l’admiration réciproque pousse à toujours essayer de faire bonne figure tandis que Margot (Léa Drucker) et son père emprisonné (Philippe Nahon) entretiennent une relation étrange de mutisme basé sur un évènement traumatisant. Les deux pères s’opposent et se complètent ; l’un est bavard et presque gouailleur, l’autre mutin et renfermé. Margot et Virgil s’attirent et se repoussent, s’engueulent quand ils se parlent et finissent même par arborer un œil un beurre noir en symétrie (un type de signe qu’exploite très bien Kim Ki-duk dans Adresse inconnue quand trois personnages ont un œil crevé).

On remarque que la thématique de la filiation occupe une grande place dans ce film où même Dino (Tomer Sisley) reste très lié et dépendant de son père. Dino le frimeur et Virgil le débrouillard sont amoureux de la même fille mais tiennent à être reconnu à leur juste valeur. Pas de problème cela se réglera sur le ring avec encore une fois une symétrie entre les deux jeunes hommes cette fois et que le réalisateur formalisera à l’écran par un habile effet où les deux personnages apparaissent à l’écran alternativement tandis que la caméra tourne sur elle-même. Comme dans Million Dollar Baby et d’autres films sur la boxe dont s’est inspiré l’équipe, la figure du coach implique une forme de relation filiale qui irrigue tout le scénario.



La photo du film que l’on doit à Pierre-yves Bastard (Generation Cutter (2000),  Concours de circonstances (2003)), les décors (Dominique andré), la musique font sans cesse glisser le film vers les ambiances des années 70. Pour autant le scénario pose des situations tout à fait contemporaines quand on sait que Virgil, origine de la banlieue travaille dans un commerce de vente de sandwichs grecs ou que Margot est au chômage. Jalil Lespert déclare d’ailleurs de sentir proche de son personnage qui a grandi en banlieue et doit se débrouiller avec pas mal de casseroles derrière lui. Le film a été tourné en studio ce qui a sans doute permis de mieux contrôler le rendu final de la photo qui trouve un équilibre entre la texture des films des années 70 et l’univers de la région parisienne. On retrouve d’ailleurs un hommage au film The Set Up de Robert Wise, nom que prend la boite de nuit où se rend Margot et Dino Taliori (Tomer Sisley).

La Bande Originale signée Frédéric Verrière (BO prochainement en vente), définit une ambiance musicale « mal rasée » selon les termes du réalisateur, empruntée aux années 70 qui permet que faire coexister l’univers des coups bas du milieu de la boxe auquel a été confronté le père de Virgil tout en englobant les exigences rythmiques du combat de boxe, des relations sociales et de l’amour où il est aussi nécessaire de soigner sa droite.



Quelque chose est arrivée et ça s’appelle Virgil, une comédie romantique fraîche et juste. On y retrouve des acteurs que l’on aime bien et un étrange mélange qui n’est pas assez pratiqué dans le cinéma français. Un premier film dont la justesse présage espérons-le de futures réalisations surprenantes et de qualité.



A voir : un premier film réussi et un casting parfait.
Le score presque objectif : 7,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +3, une comédie mélodramatique qui mélange les genres sans se prendre les pieds dans les codes.