A history of violence : pour ou contre ?
A history of violence
Sortie:
02/11/2005
Pays:
USA
Genre:
Durée:
1h35 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

A history of violence : pour ou contre ?

par: Sebastien Keromen



Cronenberg est un cinéaste à part. Toujours étrange, toujours viscéral, toujours provocant, son cinéma ne peut laisser indifférent. Son dernier film nous a partagés, à vous de vous faire une idée.

A history of violence
Titre original : A history of violence
USA, 2005
Réalisateur
 : David Cronenberg
Acteurs : Viggo Mortensen, Mario Bello, Ed Harris, William Hurt
Musique de : Howard Shore

Adapté de
la bande dessinée de John Wagner & Vince Locke

Durée : 1h35
Interdit aux moins de 12 ans

L’histoire
Tom Stall est marié, deux enfants, et tient un café dans une petite ville paisible. Lors d’une tentative de braquage de son café, il abat les deux malfaiteurs et devient une célébrité locale. Mais un mystérieux individu va s’intéresser à lui et y voir un ancien tueur…


Pour, par Justine Denis

Il est évident que vous serez surpris par le nouveau film du grand David Cronenberg. Vous serez surpris car il est difficile de reconnaître la patte du cinéaste dont les thèmes récurrents comme le fantasme ou l’étrange sont ici relégués au second plan. Cette histoire est ici une histoire simple, contrairement à ce que Monsieur Cronenberg a l’habitude de nous montrer. Il faut dire qu’à force de banaliser la violence, dans la vie, comme au cinéma, les grands auteurs d’aujourd’hui se doivent d’autant plus de poser le doigt sur cette banalisation. C’est ce qu’avait déjà fait Gus Van Sant avec son très beau Elephant. Une histoire simple, une histoire de violence.

Ce qui explique aussi la singularité de ce long métrage dans la filmographie du réalisateur, c’est que ce dernier est arrivé en cours de route, sans être associé à l’écriture du scénario, qui est une adaptation de Josh Olson, d’après la bande dessinée de John Wagner et Vince Lock. Ici, Cronenberg opère en tant que metteur en scène et il démontre une fois de plus qu’il maîtrise le 7e art. Tout au long du film, vous vous apercevrez que ce dernier n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. En effet, on retrouve le pouvoir de Cronenberg à installer une atmosphère étrange et troublante, et on peut voire son parti pris artistique (cadres simplifiés, musique quasi absente) comme un certain regard ironique que le réalisteur porte sur Tom Stall, le personnage principal à la vie d'abord paisible...

Les scènes de violence sont très crues et les effets spéciaux sont saisissants. Le cinéaste arrive à nous surprendre alors que l’on a déjà vu le même genre de scène des dizaines de fois. Un plan est particulièrement un signe de l’œil " cronenberguien " : un plan quasi gore (oui, on peut dire ça comme ça) sur une joue arrachée par une balle de revolver. On retrouve bien là notre maître de la chair. De plus, on ressent tout au long du film ce rapport si singulier que Cronenberg entretient avec le corps humain, ses souffrances physiques, et psychiques.


Mais ce qu’il faut aussi saluer sans plus attendre, c’est l’interprétation de Viggo Mortensen (qui rappelle le rôle ambigu qu’il tenait dans the Indian runner, de Sean Penn). Son personnage,Tom Stall, est comme le film, il paraît simple, au destin tout tracé, sans surprise, et révèle une certaine complexité, des zones d’ombres, des secrets. Il inspire la confiance et la méfiance, tout comme le film qu’il nous est donné à voir.
Je salue aussi le travail de Ed Harris, qui n’a d’ailleurs plus rien à prouver, mais aussi celui de William Hurt et enfin celui de la bluffante Maria Bello. La caractérisation des personnages ne laisse passer aucune faille, la relation entre Tom et sa femme est très bien écrite et donne naissance à de grandes scènes. Tous les personnages sont en constante évolution durant une heure et demie, rien n’est laissé au hasard.

La forme et le fond du film sont certes classiques, mais classes, vous ne pouvez pas passer à côté. Déplacez vous, et prenez garde aux faux semblants…Rappelez vous bien de qui se tient derrière la caméra, et vous comprendrez que ce cinéaste ne peut pas se moquer de vous. Il vous parle de la violence, de son virus, de la sauvagerie, mais aussi de la perte d’identité, de l’hérédité, de l’amour, de l’instinct, de la folie, de l’opinion publique, des médias, des forces de l’ordre, de la peine de mort, une multitude de discours sont à lire entre les photogrammes !

Note : 8/10
Conseil perso : faites-vous votre propre opinion.
A voir : pour les acteurs, pour le montage, pour les plans.

Justine Denis


Contre, par Sébastien Keromen


Voilà un film pas facile à aborder. Parce qu’il provient d’un cinéaste qui divise souvent et fascine aussi souvent. Parce qu’il ambitionne d’aborder des thèmes sérieux. Parce qu’il veut faire réfléchir sur soi-même et sur la société. Parce qu’il espère choquer pour faire bouger les choses.
Voilà un film facile à critiquer. Parce que je me suis emmerdé comme rarement. Et parce que Cronenberg ne tient aucune de ses promesses, et que son film est malhonnête. Le comportement de chacun face au danger et à l’auto défense : comment réagiriez-vous si vous étiez amené à tuer quelqu’un pour vous défendre ? Voilà la question à laquelle Cronenberg se propose pour n’absolument pas répondre. D’abord parce que le héros, après son coup d’éclat, semble bien plus préoccupé par le risque qu’il a couru que par son action. Et à vrai dire, ça n’a pas l’air de préoccuper grand monde qu’il ait tué quelqu’un. Même si c’est peut-être un des messages du film, ça manque d’avis opposés pour faire apparaître les points de vue différents. Et puis, de toute façon, les deux mecs qu’il a tués, on a bien vu au début du film que c’était des salauds, qui avaient eux-mêmes tué sans raison, vraiment quelles pourritures, bien fait pour leur gueule. Tout est fait pour que le spectateur n’aie pas mauvaise conscience d’avoir approuvé la tuerie, à tel point qu’il n’en aura aucune mauvaise conscience.
Heureusement, il y a le deuxième enjeu : le père de famille bien tranquille qui se retrouve confronté à cette glorification malsaine. Là, quand même, le gars Cronenberg va pouvoir aller à rebrousse-poil de notre propension à nous réjouir de la mort d’autrui. Sauf que non, parce que la deuxième partie du film prend la direction du polar sanglant, option jeu de massacre. Même si la violence reste très graphique et crue (et par-là même décriée par le réalisateur), on est définitivement sorti du domaine du film d’auteur pour passer dans le cinéma de divertissement (pour ceux qui aiment le genre, dont pas moi). Voilà, après toutes les promesses non tenues, il vous reste 3/4 d’heure de film mou du genou, puis 3/4 heure de polar noir et rouge vu et revu.


Côté acteurs et réalisation, c’est quand même plus réjouissant.
Sans performance excessivement remarquable, les rôles principaux comme les seconds rôles sont crédibles et bien dans leurs personnages. La réalisation est de qualité, avec une netteté des plans, notamment des scènes de violence qui claquent très sec. La musique se fait totalement oublier, je ne suis même pas capable de vous dire s’il y en avait souvent ou pas. Mais bon, revenons une dernière fois au scénario qui est le talon d’Achille du film (et le film n’est qu’un gros talon) : sous couvert d’étude sociale et de psychologie, Cronenberg nous sert une histoire simpliste à l’extrême, et qui n’assume même pas ses principes de base. Le papa est devenu un héros en butant deux types ? Le fiston, qui se laissait humilier en silence jusqu’ici, va casser la gueule à la brute qui le martyrise. Et… et rien, parce que l’histoire est repartie sur le père pour n’en plus finir, et les répercussions de l’action du fiston sont absentes (à part un renvoi de l’école, bien sûr, mais quid du regard de ses camarades, maintenant ?). Bon, peut-être suis-je passé à côté du film. Peut-être n’était-ce pas du tout ce dont quoi Cronenberg voulait parler. Peut-être n’ai-je rien compris à rien et ferais mieux d’aller revoir Brice de Nice. Ou peut-être plein de gens auront la même réaction que moi. Voilà, pour moi, A history of violence, c’est 1h30 d’ennui, à regarder des gens en buter d’autres et ensuite faire semblant que peut-être ils pourraient en avoir des remords, et à regarder Cronenberg prendre systématiquement la mauvaise décision de scénario. Sans moi (zut, trop tard).

A voir : pour partager mon calvaire ?
Le score presque objectif : 3,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -3, j’ai pas été assez clair ?

Sébastien Keromen