Sheitan

par: Geoffrey Morlet



Le film improbable du mois, voire de l’année, on le tient c’est Sheitan. La bande annonce et les premières photos de Vincent Cassel en berger dégénéré n’auguraient rien de bon. On s’était bien trompé…

L’histoire
Trois banlieusards font une virée en boîte la veille de Noël. Eve, une allumeuse incendiaire les invite chez elle, à la campagne. Sur place, ils ne tarderont pas à faire connaissance avec Joseph, le gardien de la maison de campagne, qui semble avoir de drôles d’idées derrière la tête…


La critique


C’est qui celui-là ?
Avant de réaliser Sheitan, Kim Chapiron avait déjà à son actif une foultitude de courts métrages, pleins d’énergie, tournés avec sa petite caméra DV, au sein du collectif « kourtrajemé », qu’il a co-fondé avec Romain Gavras (le fils de son papa). Ce courant s’inscrit dans une certaine partie de la culture urbaine underground (hip-hop, graffs…). Et c’est notamment grâce aux aimables et désintéressées participations de Matthieu Kassovitz et Vincent Cassel que ce mouvement s’est mieux fait connaître auprès des médias. Par la suite, un DVD regroupant un florilège de leurs « kourts métrages » sortira sous le titre à rallonge Kourtrajmé Poductions : Seigneur ne leurs pardonnez pas car ils savent ce qu’ils font.

C’est quoi ce film ?
Sheitan
n’est pas à proprement parler un film d’atmosphère, de celui qui vous hérisse le poil avec ses portes qui grincent et ses chats noirs surgissant de l’obscurité. Au lieu de ça, Sheitan se présente plutôt comme une comédie, une grosse farce à prendre au treizième degré. La performance hallucinatoire de Vincent Cassel, à la limite du ridicule mais toujours assumée comme telle, en est d’ailleurs la plus parfaite illustration. Ce qui explique en partie pourquoi le film se fait gentiment descendre par la critique, celle-ci voyant d’un mauvais œil qu’on badine avec le cinéma et ses règles de bonne séance.


Un fourre-tout un peu foufou
Sheitan est clairement un film sous influence. On retrouve ainsi une maison inquiétante au fin fond d’une forêt guère plus rassurante ; dans le genre original, on a déjà vu mieux. On pense en vrac à des productions américaines comme Evil Dead, Cabin Fever ou La dernière maison sur la gauche mais aussi françaises comme Calvaire, Haute tension… La famille de dégénérés évoque quant à elle Massacre à la tronçonneuse ou La colline a des yeux… Des références diverses qu’on a sitôt fait d’oublier. Car là où Sheitan devient effectivement intéressant, c’est dans son approche pour le moins original et novatrice du « film d’horreur ». Tout le film ressemble, en effet, à un cauchemar éveillé où tout semble possible, le pire le plus souvent. Entre deux rires, des indices nous laissent entrevoir une réalité inquiétante (la scène de la grotte chaude est exemplaire). Avec le dernier plan du film, on comprend alors que Sheitan est en fait un conte à sa manière, violent et ludique à la fois.

Le réussite du film tient pour beaucoup dans la prestation de Vincent Cassel. Il est tout simplement drôle en berger faussement débonnaire, cette performance incroyable (au propre comme au figuré) tient aussi à certaines répliques imparables que l’acteur semble s’amuser à baragouiner. Quelques unes resteront, c’est certain ! Roxanne Mesquida, habituée du cinéma de Breillat, joue à l’opposé de Vincent Cassel, c'est-à-dire tout en finesse, tout dans le regard. Elle confirme donc qu’elle est une bonne actrice, aussi à l’aise dans le cinéma intello que rigolo.
L’outrance étant le maître mot de Sheitan, la réalisation de Kim Chapiron ne dénote pas avec son scénario débile, propice aux débordements en tout genre. Ainsi, malgré des partis pris esthétiques qui donneraient envie de vomir pour les plus fragiles (caméra tremblotante dès que c’est possible) et cette impression laissée de grand foutoir improvisé ; le film conserve contre toute attente une cohérence d’ensemble.

A voir : pour s’amuser avant tout
Le score presque objectif : 7,5/10, même score que Les Bronzés 3 didons !
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +1, beaucoup de défauts dans ce film, que certains trouveront, comme moi, pardonnables et attachants ; alors que d’autres, et il y en a déjà, les trouveront rédhibitoires. A vous de voir…