Essaye-moi

par: Sebastien Keromen



Encore un pas en avant vers la précarité. Le contrat période d’essai de couple sur 24 heures. Mais bien loin de considération politiques actuelles, c’est à une jolie comédie romantique un peu lunaire que nous convie Pef.

Essaye-moi
France, 2005
Réalisateur
 : Pierre François Martin-Laval
Acteurs : Pierre François Martin-Laval, Julie Depardieu, Pierre Richard, Kad Merad, Wladimir Yordanoff, Isabelle Nanty, Marina Foïs
Durée : 1h30

L’histoire
Ils ont 9 ans. Jacqueline vient de promettre à Yves-Marie qu’elle l’épouserait quand il ira dans les étoiles. 24 ans plus tard, Yves Marie est cosmonaute et vient réclamer son dû à une Jacqueline qui a tout oublié. Il lui propose alors de l’essayer pendant 24 heures, pour qu’elle puisse choisir en connaissance de cause.


La critique


Les Robins des Bois passent derrière la caméra. Après Maurice Barthélémy (le trop méconnu Casablanca Driver, et le petit bijou Papa, injustement oublié aux César) et peut-être avant d’autres, c’est Pierre-François Martin-Laval, alias Pef (parce que, comme disait Coluche : le temps que tu dises son nom, tout le monde est parti), qui s’y colle, pour une jolie comédie romantique. Pour la différencier des autres, elle bénéficie de deux atouts : son sujet original, et l’univers de doux dingue rêveur de Pef. Mais il faut dire que ces deux aspects étaient chacun casse-gueule : rien de pire qu’un sujet original qu’on a du mal à exploiter, et rien de pire qu’un univers naïf qui ne fonctionne pas à l’écran. Heureusement (oui, le suspense a été insoutenable pendant la phrase précédente), ça marche plutôt bien. Pas si sûr que le sujet apporte tant que ça au film, mais on est reconnaissant à Pef d’avoir au maximum évité toutes les situations lourdes (voire pire) que cela aurait pu occasionner. Le côté " essaye-moi " est exploité tant que ça peut servir un peu, pour vite être remplacé par une tentative maladroite et désespérée de séduction, mâtinée d’un peu de virée catastrophe, qui aurait pu avoir lieu sans le principe de départ.


Quant à l’univers de pierrot lunaire de Pef, il rend vraiment bien à l’image.
Usant sans abuser de son personnage naïf composé lors des Robins des bois, son héros se donne l’air de tout maîtriser alors qu’il subit tout, âme d’enfant enfermé dans un corps d’adulte. Mais si Pef arrive à donner à son personnage une crédibilité (toujours délicate quand on oscille entre le pathétique et bêta, tout en restant tout de même suffisamment intéressant et attractif pour séduire la belle), ce sont ses autres comédiens qui lui volent la vedette. Julie Depardieu, d’abord, à la fois crédible en objet du désir et en fille un peu paumée, en adulte sérieuse ayant encore une étincelle d’enfance, en contraire du héros tout en le complétant. On a également droit à un grand numéro de Kad (même si sur des chemins qu’il a déjà rebattus), et au couple irrésistible Isabelle Nanty/Wladimir Yordanoff (après les prestations plus que réussies de ce dernier dans Un air de famille, le Goût des autres, l’Auberge espagnole et Je vous trouve très beau, va vraiment falloir retenir son nom).
Mais la cerise sur le gâteau, et quelle cerise ! (et quel gâteau !), c’est Pierre Richard. Alors qu’on ne l’a pas vu sur les écrans depuis longtemps, à moins d’être allé voir le Cactus (je connais personnellement plein de gens qui regrettent d’y être allés), il fait ici un retour triomphal qui nous fait regretter pleinement son absence. Dans un rôle loin d’être anecdotique et court, il promène le long de tout le film sa présence rassurante et presque anachronique, sa face de sage un peu allumé, dans le rôle du père encore enfantin du héros encore enfantin. Avec son sourire qui redonne goût à la vie, il éclaire tout le film de sa présence, chacune de ses scènes faisant mouche, quels que soient ses partenaires. On citera aussi un pingouin parmi les acteurs, moins connu mais bien réjouissant. Le film a d’ailleurs bien compris l’intérêt d’un casting si réussi, en donnant à chacun pas mal de scènes à jouer, et le temps de développer un peu son personnage. Y compris le pingouin.


Au final, voilà une comédie romantique très rafraîchissante et agréable.
Comme elle est en plus très drôle et originale, on aurait bien tort de se priver. Bien sûr, cela ne suffit pas à révolutionner le genre, et peut-être l’oubliera-t-on un peu vite. Mais en attendant, c’est tout de même un très bon moment à passer, drôle et tendre. Un joli film. Avec de l’imagination. Avec de la poésie. Avec des acteurs très drôles. Et avec un pingouin.

A voir : pour rire, pour la romance, pour Pierre Richard
Le score presque objectif : 7,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +2. Non, je ne le dirai pas. Essayez-le. Ah si, je l’ai dit.

Sébastien Keromen