L’ivresse du pouvoir

par: Sebastien Keromen



Plonger dans les arcanes politiques et judiciaires de l’affaire Elf. C’est ce que vous propose Claude Chabrol, qui retrouve une fois de plus sa comédienne fétiche, Isabelle Huppert. S’il ne déborde pas de révélations sur les dessous de l’affaire, le film vous convie tout de même à un moment agréable.

L’ivresse du pouvoir
France, 2006
Réalisateur
 : Claude Chabrol
Acteurs : Isabelle Huppert, François Berléand, Patrick Bruel, Robin Renucci, Marilyne Canto, Jean-François Balmer, Pierre Vernier
Durée : 1h50

L’histoire
Jeanne Charmant-Killman, juge d’instruction, s’attaque à un dossier de détournement de fonds dans un grand groupe industriel. Les mises en examen et interrogatoires vont se succéder. Mais les luttes de pouvoir vont tenter d’infléchir le cours de cette instruction.


La critique

Le film politique français est une curiosité. Même en cherchant bien, je vois à peine de quoi en citer un pour chacun de mes dix doigts. Alors quand débarque sur nos écrans un film inspiré de l’affaire Elf, on ne peut qu’être curieux, et vouloir voir de quoi ça retourne. Première inquiétude (surtout juste après avoir vu Syriana) : est-ce qu’on va pas être largué ? De ce côté, tout va bien. L’intrigue n’est pas complexe à l’extrême, les camps bien délimités (la juge, les mis en examens, les chefs de la juge, les politiciens qui parlent en déjeunant). Deuxième question : même si c’est censé être tout pour de faux, toute ressemblance bla-bla tout plein fortuite, est-ce qu’on va apprendre quelque chose ? Disons qu’il ne faut pas venir pour ça. Comme son titre l’indique, le film parle plutôt du pouvoir et de son utilisation, sans rentrer dans le détail des faits. On se contentera de " les pots de vin sont indispensables " en guise d’explication de la part des accusés, et de " ce sont les deniers de l’état " en guise de reproche de la juge.
Mais revenons donc sur le sujet du pouvoir, au cœur du film. Pouvoir de la justice, pouvoir de l’argent, pouvoir des relations, pouvoir de l’amour et de l’amitié, aussi. On ne peut pas parler d’étude sociologique du pouvoir, mais plutôt d’illustration de ses différents aspects. Autant dire que l’histoire elle-même est presque secondaire, seules les actions des protagonistes comptent. Même si à ce point de ma critique, on a l’impression que l’Ivresse du pouvoir est un film intello, ce n’est pas le cas. Mais difficile de vraiment le qualifier. Un peu trop court pour un film d’enquête, trop léger pour un film policier, trop froid pour un drame, trop sérieux pour une comédie… On pourrait presque parler d’une chronique, parce que ça se passe dans l’ordre, que ça raconte des trucs sur différentes personnes, et que, il faut bien le dire, personne ne sait exactement ce qu’est une chronique. On pourrait.


Mais au fait, c’est bien comme film ?
Ne vous inquiétez pas, j’allais y venir. L’un des intérêts principaux du film, c’est bien sûr son casting. Une Isabelle Huppert toujours aussi impeccable, un François Berléand un peu moins goguenard qu’à l’habitude, mais toujours convaincant, un Patrick Bruel un peu sous-employé mais toujours charismatique, une Maryline Canto à découvrir d’urgence, et tant d’autres. Des dialogues plutôt réussis, un rythme soutenu, un scénario où les choses évoluent, on a à peu près tout ce qu’il faut pour soutenir l’intérêt du spectateur. Seul regret : à force de raconter beaucoup de choses, l’histoire se perd un peu, et finalement néglige les histoires intéressantes (l’enquête, les magouilles de l’entreprise, les relations entre les deux juges) pour donner du temps à des histoires moins passionnantes et traitées de façon pas vraiment convaincante (la relation de la juge avec son mari, et avec son neveu). Au final, si on a plutôt passé un bon moment, le relatif manque de consistance fait que le film s’évapore dès la sortie de la salle et il n’en reste plus que quelques impressions.

A voir : pour le sujet original, pour les acteurs
Le score presque objectif : 7/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +1, l’originalité et un certain charme

Sébastien Keromen