Exilé
Fangzhu
Sortie:
11/07/2007
Pays:
Hong-Kong
Genre:
Durée:
1h40 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Exilé

par: Arnaud Weil-Lancry



Un des réalisateurs hongkongais les plus prolifiques du moment revient sur le Grand Ecran avec un nouveau polar bien nerveux. Ou comment créer indirectement une suite illégitime à son fabuleux diptyque, Election

L’histoire
A Macau, 4 tueurs à gages débarquent pour liquider un des leurs qui a trahi le milieu…

La critique

Exilé et Election…
C’est un pari bien risqué pour le réalisateur de Breaking News que de sortir Exilé tellement peu de temps après son diptyque Election. En effet, le début de l’année 2007 voit débarquer sur les écrans une histoire de triades en deux volets narrant les dessous de clans de la pègre de Hong-Kong, à savoir les élections d’un nouveau chef et le pseudo départ d’un membre important du clan. Avec le recul, Exilé ne sera pas forcément comparé à la saga Election, tellement les œuvres sont différentes et complémentaires. Si le dernier film de Johnnie To peut faire office de séquelle illégitime (le retour à la réalité d’un mafieux souhaitant quitter le milieu), le ton de ces œuvres est radicalement différent. Là où Election se voulait être un film complètement focalisé sur la noirceur intime des triades et sur leur inéluctabilité, Exilé joue plutôt la carte d’une certaine dédramatisation et d’un plaisir quasi fantaisiste de la part de la réalisation de Johnnie To. La froideur et l’immuabilité des plans d’Election laissent la place à une divine nervosité dans Exilé, le calme froid des personnages s’efface devant la sentimentalité criante des tueurs à gages, la splendide leçon de cinéma, devant le plaisir coupable d’un film défoulant où le charisme des protagonistes rime avec un mélange de romantisme et de grotesque criard.








Des valeurs sûres…
Retrouver une bonne partie des acteurs de Election ne fait qu’ajouter à la confusion : Nick Cheung, Suet Lam, Simon Yam (quel acteur fantastique), Ka Tung Lam et le vétéran Anthony Wong, éternelle figure du cinéma de Hong-Kong, tronche permanente de chien battu emmuré dans son ambivalence. Car Johnnie To fait toujours du Johnnie To : la beauté des contrastes rivalise en permanence avec l’adéquation des plans, la rigueur de la photo avec ce souci permanent de la couleur. Tout est mis en œuvre pour renforcer continuellement les faits, actes et gestes de ces quatre tueurs sentimentaux (le tueur sentimental, un thème classique du polar de Hong-Kong) dans leur dernière mission. Avec toujours ce fameux romantisme typique, le réalisateur de Election livre un film splendide dont on aurait tout de même souhaité un potentiel emphatique plus important. Qu’on soit réceptif ou pas au genre, les trois principaux gunfights valent à eux seuls très largement le détour, giflant au passage tous les Scorcese actuels et potentiels du cinéma américain (le restaurant / le médecin / le fourgon d’or). Et quand l’absurdité comique prend le pas sur le dramatisme des situations, on flirte littéralement avec le grand art. Enfin, l’omniprésence de valeurs éthiques et morales dans le cœur des personnages principaux rompt définitivement la continuité avec Election, dont l’essence n’était que trahison, haine et méfiance d’autrui.

Mais si certains personnages se voient littéralement bâclés pour faire face à d’hypothétiques nécessités scénaristiques ou de durée, on reste quelque peu sur sa faim vis-à-vis de la faiblesse relative du scénario. L’intérêt du long-métrage demeure néanmoins, malgré une intrique ultra classique heureusement sublimée par la réalisation. Qu’Exilé soit couvert de récompenses n’est en fin de compte que justice (Prix Spécial au Golden Horse Film Festival, Prix du Jury Carnet Jove du Festival du Film Fantastique de Sitges en Espagne et enfin, présentation à Venise et à Cognac).
Que Johnnie To ait été nommé meilleur réalisateur de l’année 2007 en est la consécration.
 
Verdict : 8/10
A la fois divine leçon de cinéma et drame humain splendide, Exilé est une réussite supplémentaire à mettre à l‘actif de Johnnie To.