Sicko
Sicko
Sortie:
05/09/2007
Pays:
USA
Genre:
Durée:
2h00 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Sicko

par: Sebastien Keromen

Après les grands patrons, la vente libre d’armes à feu et la guerre en Irak, Michael Moore a choisi de pointer sa caméra et son journalisme d’investigation agressive vers les assurances maladies américaines. Un véritable scandale. Les assurances maladies ou le film ? Au moins les premières, et, pour certains peut-être, et pour certains aspects, le second.

Sicko
Titre original : Sicko
USA, 2007
Réalisateur
 : Michael Moore
Durée : 2h

L’histoire
Aux États-unis, mieux vaut avoir une assurance maladie. Mais cela suffit-il à vous garantir les soins et à éviter une mort atroce ? Pas si sûr. Michael Moore mène l’enquête.




La critique

On peut difficilement reprocher à Michael Moore de faire du Michael Moore, puisque c’est lui qui l’a inventé. Ce mélange de documentaire engagé et un peu agressif, investigation sans tout à fait savoir où ça va mener, généralisation d’exemples peut-être pas généralisables mais toujours frappants, insolence dans la recherche des contre-exemples, un peu d’émotion, un peu de résultat. Dans Bowling for Columbine, le mélange était parfait, le propos équilibré, l’émotion présente et pas putassière, la conclusion convaincante. Dans Farenheit 9/11, c’était déjà moins réussi, avec un point de vue absolument pas objectif (mais annoncé et assumé), un début assez gouleyant sur les débuts de Bush à la Maison Blanche, avant de se perdre un peu dans un cocktail d’extraits de news difficile à suivre, et de s’écraser sur l’écueil des larmes faciles et indiscrètes (et de plus beaucoup trop longues) de la mère pleurant son soldat de fils mort en Irak, pour ceux qui auraient oublié que la mort, c’est triste. Avec Sicko, on retrouve à nouveau la même formule, moins convaincante que dans Bowling for Columbine, mais tout de même plus organisée et moins dispersée que dans Farenheit 9/11. Suivez le guide (ou plutôt, suivez l’ordonnance).
Une fois de plus, Michael Moore a choisi un sujet où les points à dénoncer sont légion. Et une fois de plus il l’attaque en ordre dispersé, quasiment en amateur avec une caméra et une bonne dose d’insolence qui ne craint pas de poser les questions qui fâchent, même si cette fois il ne les posera quasiment pas à ceux que ça fâche. Le lièvre à débusquer a la taille d’un mammouth, avec ces sociétés d’assurance où le profit est érigé en but, où les médecins qui décident des remboursements ont des primes lorsqu’ils trouvent un motif pour refuser les opérations médicales les plus chères, où chaque demande de remboursement lance une enquête minutieuse sur le patient pour trouver l’écharde ou la rage de dents qu’il n’a pas déclarée, et lui refuser le remboursement pour maladie non révélée. Après les longues larmes de Farenheit 9/11, on craignait un peu les débordements, mais à part une interview un peu longue d’une dame pleurant son mari, pour rappeler à nouveau que quand quelqu’un meurt c’est triste, et que quand en plus il aurait pu être sauver, c’est triste et injuste, le reste est de bonne tenue. Les faits auraient suffi à notre indignation, et cette séquence gêne plus qu’elle n’émeut, mais ne sera heureusement pas réitérée.
Quelle autre marque de fabrique de Michael Moore ? Le mélange de faits choquants et de faits tellement choquants qu’ils en feraient presque rire (du moins quand on habite pas aux States). Ici encore on s’étrangle devant cet homme à qui on a proposé de recoller son annulaire pour $12.000 ou son majeur pour $60.000 (et donc de choisir, ses moyens ne lui permettant pas deux doigts), ou cette dame à qui on n’a pas remboursé l’ambulance l’ayant emmenée à l’hôpital après avoir eu un accident de voiture… parce qu’elle n’avait pas fait de demande préalable, ou encore cette jeune femme de 22 ans à qui l’assurance a refusé de rembourser les traitements pour son cancer, arguant qu’avoir un cancer à cet âge est anormal. La plupart des histoires sont édifiantes, et, s’ils ne s’agit que d’exemples, étendus sans trop de précautions à des généralités, elles n’en restent pas moins inacceptables, et convergent tout de même vers une réalité incroyable qui se dessine au fil du film.




Et comme toujours, il va voir ailleurs si c’est mieux. Partie en général très jubilatoire du film, Moore va chercher d’autres exemples dans d’autres pays, comme sa visite au Canada de Bowling for Columbine, où il finissait par entrer chez les gens sans frapper pour vérifier que personne ne fermait sa porte. Ici, son Assurance Maladie Tour l’emmène à nouveau au Canada, mais aussi en Angleterre et en France, le tout dans la bonne humeur que permet le remboursement complet et inconditionnel des soins. Encore une fois, nous n’aurons droit qu’à quelques cas particuliers et exemples, qu’on serait tentés d’étendre à des généralités si les faits avancés sur la situation française n’était pas si merveilleux. La personne envoyée par l’État deux fois par semaine pour faire les courses et le ménage quand on vient d’accoucher, c’est loin d’être la règle. Interrogé sur le sujet (dans la presse), Michael Moore avoue avoir choisi des exemples un peu trop beaux, mais d’une part toujours véridiques, et d’autre part dans le but de montrer aux Américains ce vers quoi ils pourraient tendre. Par contre, le couple français interviewé, vraiment c’est pas possible. On va supposer qu’ils sont vrais, parce que personne n’aurait osé en faire des faux aussi caricaturaux et ridicules, mais on préférera oublier cette séquence.
Dernière signature de Michael Moore, faire changer les choses. Après avoir réussi à interdire la vente de munitions dans les Wallmart dans Bowling for Columbine, il se lance ici dans le pari fou de faire soigner quelques malades à la prison de Guantanamo, dont les facilités médicales avaient été vantées aux informations. Bien sûr sommé de rebrousser chemin, il se rend finalement dans une clinique cubaine où les malades, y compris des sauveteurs du 11/09 délaissés par les Assurances Maladies, recevront gratuitement les soins qu’ils ne pouvaient pas se permettre aux US. Bien sûr, un peu facile, mais tout de même réellement émouvant.
Que penser, finalement, de ce documentaire ? Qu’à moins que vous soyez allergique à Michael Moore, c’est un film à voir, ne serait-ce que pour son propos, pour vous instruire, et pour vous réjouir chaque jour de ne pas vivre aux US (ou en tout cas de ne pas y être malade). Moins réussi en tant que film que Bowling for Columbine, mais au propos valant tout de même le détour.

A voir : parce que vous allez apprendre des trucs incroyables et terrifiants, de manière plutôt ludique
Le score presque objectif : 7,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +2, on ne s’ennuie pas et on apprend, on apprend ce qui on n’espère n’arrivera jamais chez nous

Sébastien Keromen