Tatouage de Yasuzo Masumura, 39 années d'attente
Irezumi
Sortie:
13/08/2005
Pays:
Japon
Genre:
Durée:
86 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Tatouage de Yasuzo Masumura, 39 années d'attente



Titre original : Irezumi
Film : Japonais.
Genre : Drame
Durée : 1h 26min
Date de sortie française : 22 Décembre 2004
Année de production : 1966
Réalisateur : Yasuzo Masumura
Scénario : Kaneto Shindo
Interprètes : Ayako Wakao, Akio Hasegawa, Gaku Yamamoto, Kei Sato, Reiko Fujiwara, Kikue Mori, Fujio Suga, Asao Uchida
Image : Kazuo Miyagawa

Interdit aux moins de 12 ans

L’histoire :

Parce qu'on l'empêche de vivre sa passion pour un apprenti, la jeune Otsuya fuit la maison parentale et se réfugie chez Gonji. Après avoir tenté d'abuser d'elle, ce dernier la vend au tenancier d'une maison de geishas.
Un jour, un artiste fasciné par la beauté d'Otsuya lui tatoue une araignée sur le dos. C'est une révélation pour la jeune femme qui décide, dès lors, de se venger de la gente masculine.
Tatouage est l'adaptation du roman de Junichirô Tanizaki intitulé Irezumi. L'écrivain japonais a inspiré le réalisateur Yasuzo Masumura (1924-1986) à deux autres reprises avec les films Swastika (1964) et Naomi (1967).

Entre 1955 et 1984 Yasuzo Masumura a signé plus de 60 films en tant que réalisateur et plus de 20 en tant que scénariste. Parmi ces nombreuses réalisations, peu de films ont été diffusés en france.
Plusieurs de ses films en 1957 en ont fait une figure d'une sorte de cette "nouvelle vague" nippone qui dynamisa le cinéma Japonais dans les années 50/60 : Les baisers, Courant chaud ou encore jeune fille sous ciel bleu dans lequel jouait déjà l'actrice Ayako Wakao.
Ils vont de nouveau travailler ensemble pour le fameux film La femme de Seisaku (sorti en France l’été dernier), puis en 1966 pour ce film Tatouage.

Ayako Wakao est l’actrice fétiche de Yasuzo Masumura. Il l'a notamment dirigé dans Le mari était la (1964), La Femme de Seisaku (1965) et L’Ange rouge (1966).
Après avoir travaillé dans la troupe de Kabuki dirigée par Kazuo Hasegawa, l’actrice devient une star en 1953 en jouant dans une série intitulée Seiten (Ecrits sur le sexe) qui traite de la sexualité des adolescentes.
Le réalisateur Kenji Mizoguchi (coffret Mizoguchi I, coffret Mizoguchi II), lui confie en 1956 le rôle de Yasumi dans La Rue de la honte, qui fait d’elle une actrice à part  entière. Elle enchaînera ensuite divers rôles dont ceux que lui accorde Yuzo Kawashima (1918 – 1963), le maître de Shohei Imamura avec des films comme Une femme naît deux fois (1961) et Le Temple des oies sauvages (1962). Elle collaborera ensuite avec Yasuzo Masumura.


La splendide Ayako Wakao incarne une femme fatale qui bien qu’ayant un tatouage d’araignée pour emblème tient tout autant de la menthe religieuse.
La sortie tardive de Tatouage est un vrai évènement qui suit de près celui de la sortie de La Femme de Seisaku (1965) l’été dernier. Tatouage est sorti en 1966 et n’avait jamais été montré sur nos écrans. On découvre un film qui valide plusieurs des obsessions du réalisateur Yasuzo Masumura tout en radicalisant le propos. Un univers de séduction et d’érotisme se déroule. Les couleurs vives des habits en couche de Otsuya sont autant de signes de séduction pour attirer le regard. L’araignée fait sa cours pour attirer des victimes dans sa toile. Elle se pare de ses plus beaux atouts et sème derrière elle ses victimes.

Le cadre est tout en horizontal et livre un espace dépouillé souvent dans des intérieurs ou sous la pluie. Cette espèce de calme de la prise de vue contraste avec les scènes érotiques ou violentes. La scène où Otsuya est battue par son mari semble montrer une relation sado-masochiste. Les cris que poussent Otsuya raisonnent comme les cris d'une étrainte amoureuse.
Différents thèmes sont abordés dans Tatouage à commencer par la difficulté d’un amour contrarié entre deux personnes de classes sociales différentes. Parmi les différentes figures présentent dans le film celle de la femme fatale, forte prend une dimension toute particulière avec Ayako Wakao qui interprète son rôle en montrant une femme qui passe très vite d’un état à un autre comme en sont capables les manipulateurs pour parvenir à leur fins. Tous les hommes succomberont au poison que le tatoueur et la société machiste ont distillé dans le corps de la jeune Otsuya au travers du tatouage.

L’ironie veut que ce soit ceux qui ont voulu faire d’elle une geisha aux services de leurs désirs qui en subissent les conséquences. La figure du tatoueur a un rapport fétichiste à la peau. Le tatoueur est une figure à qui certains réalisateurs attribuent volontiers la capacité de tatouer plus qu’une représentation. Le tatouage a une signification très particulière comme dans le film Une adolescente (2003) où les oiseaux tatoués sur le dos des amants est un symbole de leur amour.


Dans un interview donné aux Cahiers du Cinéma 
(Propos recueillis au magnétophone à Tokyo en 1969):

Je ne cherche pas à faire des portraits de femme, mais c’est la femme qui est l’être le plus humain. L’homme ne vit que pour la femme, traînant son fardeau comme un cheval sa charrette pour finalement mourir d’une crise cardiaque. C’est donc en prenant la femme comme sujet central qu’on peut le plus facilement exprimer l’humanité.[…]
Un grand homme viril n’a rien d’humain, parce qu’il vit pour les autres, pour la société. (…) Pour exprimer l’humain, il n’y a que la femme. Ce n’est pas pour exprimer la femme que je choisis la femme… Je ne suis pas spécialiste des femmes comme Mizoguchi.


Verdict :

Alors que Tatouage sort dans nos salles, on peut aussi visionner le coffret dvd Femmes fatales qui propose deux films de la réalisatrice la femme scorpion de Shunya Ito (1972)  et les menottes rouges de Yukio Noda (1974). Un coffret qui met en relief la figure de la femme fatale entre sexe et cruauté au Japon et une autre période du cinéma Japon des années 70/80 qui nous est moins familier que le cinéma de Hong Kong de la même période.
A voir : Découvrez ce que vous n’avez jamais vu
Le score presque objectif : 8/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +3, on ne s’ennui pas et le film a gardé une certaine modernité

Laurent Berry