Factotum
Factotum
Sortie:
23/11/2005
Pays:
Etats-Unis
Genre:
Durée:
1h38 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Factotum

par: Arnaud Weil-Lancry

Après Barfly, c’est au tour de Factotum, autre oeuvre de Charles Bukovski, d’être portée à l’écran. Avec Matt Dillon dans le rôle principal, le dernier film de Bent Hamer fait pourtant preuve d’un certain manque de consistance… Dommage…

L’histoire
Hank Chinaski travaille en tant que manœuvre pour se payer son alcool qu’il aime tant, et du bon temps avec les femmes. Mais il aime par-dessus tout écrire…

La critique

Film intrinsèquement authentique, Factotum se regarde comme on s’enfilerait une bouteille d’alcool : avec douleur, agressivité, et passivité. Et son réalisateur, Bent Hamer, ne fait pas dans la dentelle, du moins, c’est son intention de ne pas y aller avec le dos de la cuillère... Son héros, Hank Chinaski n’y va franchement pas par quatre chemins, ruinant successivement ses multiples jobs par le biais de l’alcool, ne cherchant que réconfort auprès des femmes et salut dans l’écriture. Rédemption qu’il trouve avec une difficulté extrême. Etrangement, c’est Matt Dillon qui se retrouve dans la peau de cet ivrogne d’écrivain, révélant ainsi un potentiel dramatique important et surprenant. Sa prestation est stupéfiante et révèle un comédien fondamentalement doué, ayant vraisemblablement perdu son temps avec des films d’un calibre laborieux tels que Sexcrimes. A ses côtés, Lili Taylor incarne la parfaite compagne de cette chute aux Enfers à 90 degrés.

Cette descente est autant terrible que mélancolique… Terrible dans son côté inévitable, mélancolique dans son côté irréversible. A aucun moment Matt Dillon ne met en doute l’aspect salutaire de l’alcool car c’est son oxygène et son essence même. De cette manière, son personnage si sympathique s’assume complètement mais attriste considérablement par sa différence vis-à-vis d’autrui. Cette rupture est ostentatoire au possible et la force de Bent Hamer réside dans sa capacité à retranscrire le fossé qui « les » sépare de « nous »… d’un côté les sobres, de l’autre, les alcolo-dépendants, si marginalisés et si opprimés, mais surtout si incompris. Car Factotum se résumé fréquemment à cela : un argumentaire solide et un plaidoyer touchant envers les alcooliques, si perdus dans leur univers, si isolés, et pourtant si heureux… Heureux dans leur vinasse et épanouis entre eux…
Pourtant, la distribution, excellente, ne permet pas toujours  à la réalisation de prendre son envol, Factotum demeurant un film d’une ampleur somme toute relative, alors que son potentiel était supposé être conséquent. Tout les ingrédients sont néanmoins présents, de la réalisation sobre et ajustée, aux comédiens, intelligents et inspirés. Et pourtant, le film manque si souvent d’aplomb… C’est toutefois avec force de poésie que le réalisateur permet à Factotum d’exister, mais à tenter d’apporter de l’ampleur à  son œuvre, c’est un peu comme si cette dernière mourrait d’elle-même. Hank Chinaski, bien qu’extrêmement touchant, ne suscite que difficilement la compassion que nous étions en droit d’espérer. Ainsi, il n’est nullement permis au spectateur de l’accompagner dans sa dérive alcoolique. Ce dernier, aux côtés de Jan, demeure la plupart du temps comme un malheureux badaud dans sa salle de cinéma.

Même si l’on peut reprocher une certaine timidité dans sa réalisation, Bent Hamer signe, avec Factotum un film brillant et digne… Il manque tout de même un je-ne-sais-quoi qui aurait rendu son film génial et inoubliable…

A voir : C’est pas si mal, mais c’est pas si génial…
Le score presque objectif : 6,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +1, pour la seule et unique prestation de Matt Dillon

Arnaud Weil-Lancry