Munich
Munich
Sortie:
25/01/2006
Pays:
Etats-Unis
Genre:
Durée:
2h40 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Munich

par: Arnaud Weil-Lancry



Pour son dernier film, Munich, Steven Spielberg choisit un thème bouillant et polémique, en fait les évènements ayant suivi la prise d’otage de sportifs israéliens aux Jeux Olympiques de Munich en 1972. On voit sur de nombreux sites, Munich-pour, Munich-contre… Dans mon cas, ce sera un Munich-pour, à cent pour cent…

L’histoire
En septembre 1972, onze athlètes israéliens sont pris en otage par un commando palestinien. Ces hommes seront exécutés. Le gouvernement lancera une opération secrète de représailles baptisée la Colère de Dieu, dirigée par Avner, un jeune agent du Mossad…

La critique
De l’art du film politique…
Les films engagés se suivent et se ressemblent, pouvant aisément se regrouper en trois catégories : le documentaire choc à la Bowling for Columbine, le film de guerre à la Jarhead, et le film purement politique à la JFK. Si la première catégorie ne nous concerne nullement, les deux autres peuvent souvent s’auréoler d’une certaine aura cinématographique, voir d’une dimension du domaine du mythe, plutôt magique… Celle d’une adolescence bercée sous les images marquantes de la guerre du Vietnam et sous une mythologie typiquement américaine. Mais quelle magie y a-t-il sous la peur des bombes ? Quelle magie (véhiculée par exemple par le cinéma de Francis Ford Coppola) y a-t-il derrière un conflit qui fait s’entre-exterminer des peuples depuis des décennies jusque dans notre présent ? Pas de magie, pas de rêve… Uniquement des enjeux politiques ardus et des risques que seuls peuvent se permettre certains grands réalisateurs : ceux qui ont déjà tout prouvé tels que Steven Sielberg, avec Munich aujurd’hui. Effectivement, avec un film aussi virulent que l’acide le plus violent, beaucoup l’attendaient au tournant, avec des qualifiants aussi peu diversifiés que prévisibles tels que pro-israélien ou pro-palestinien. Et bien que la critique d’un tel film soit ardue, votre rédacteur considère que le réalisateur de ET a brillamment remporté son pari, signant un film stupéfiant et indéniablement réussi.


Un baroudeur à toute épreuve…
En toute logique, une œuvre de Steven Spielberg est techniquement toujours réussie, soignée et artistiquement à l’épreuve des balles. Munich ne déroge en rien aux habitudes du bonhomme, étant impeccable visuellement, mais surtout soigné dans son scénario. En effet, les premières minutes plongent très rapidement le spectateur dans ce qui fut une tragédie pour le peuple israélien : la prise d’otages de onze athlètes par un commando palestinien. Et presque immédiatement, on se retrouve plongé dans la vie d’Avner, jeune agent du Mossad (service secret israélien). Ce jeune homme naïf interprété par le décidément surprenant Eric Bana, se voit projeté à la tête d’une petite escouade d’agents visiblement peu aguerris au meurtre et à l’espionnage. Vous et moi en quelque sorte… Ces patriotes vont devoir assassiner les commanditaires de la prise d’otage, ce qu’ils feront… Mais à quel prix ? Si une certaine sympathie israélienne paraît être d’emblée affichée à l’écran, il ne faut jamais oublier que c’est plus pour permettre une vision de ce conflit tortueux à travers les yeux d’Avner, espion en herbe dont la jeunesse n’a d’égal que l’inexpérience. D’ailleurs, Steven Spielberg ne cherche jamais à faire du prosélytisme afin de permettre une perception toute sentimentale de son film…

L’héritage de la haine…
Evidemment, certains passages tels que le rôle des Français sont dérangeant, d’autres tels que l’assassinat sur le bateau est choquant. Mais dire que l’effet est voulu est indiscutable : déranger, choquer, et maltraiter nos sentiments, tout comme l’inconscient individuel comme collectif. Ces guerres de l’ombre sont sales et n’épargnent personne. Quelle justification pour cette course à la terreur, si ce n’est un patriotisme militant désiré par le peuple juif depuis des centaines d’années ? Quelle réponse au désespoir de la part des palestiniens, si ce n’est les attentats ? De la mort, de la haine, des larmes, du sang, des cauchemars… Quelle magnifique récompense pour tellement de sang sacrifié (sanctifié ?)…. Et le prix à payer est lourd, à l’image des malaises de notre groupe d’agents secret, jusqu’au moment ou certains ne parviennent plus à se taire, que d’autres poursuivent une œuvre destructrice sans finalité et que les derniers s’enferment dans leur enfer. Steven Spielberg illustre parfaitement bien cette course à l’inutile sans (presque) rien condamner et en restant fidèle à sa conception d’un cinéma désespérément humain. Par moment même un peu trop : on sort de la projection de Munich extrêmement éprouvé, fatigué et submergé par une indéfinissable tristesse, signe ineffable que le réalisateur américain a gagné son pari.

On pourrait débattre des qualités et des défauts de Munich pendant des lustres, mais ce serait jouer un jeu hypocrite et politique volontairement mis de côté par Steven Spielberg. Au contraire, ce dernier transforme son film en une splendide réussite, en dépassant justement ce terrain bourbeux et sinueux que sont la justification et l’historique des conflits israelo-palestinien. Ainsi, par une dimension sentimentale omniprésente et dominante, le réalisateur américain transmet son message empreint aussi bien d’humanité que de tristesse : ne jamais renoncer à ses sentiments et à sa condition d’être humain. Jamais.

Le score presque objectif : 8,5/10
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Mon score perso (de -3 à +3): +3, encore une œuvre à ne pas rater au palmarès de Steven Spielberg…