Dah est du Benin, Jocelyn des Antilles. Ils sont noirs et forment une belle équipe qui participe aux combats de coqs clandestins. Alors qu'ils sont sur un gros coup, la mort va s'en mêler...
Voici un film qui ne laisse pas forcément indifférent ! « S’En fout La Mort », un long métrage de Claire Denis qui date de 1990, dans lequel nous allons retrouver un trio d’acteurs remarquables : Isaach de Bankole, dont on ne met pas suffisamment à mon goût la qualité internationale puisque nous pouvons le retrouver aux côtés de Forrest Whitaker dans la série « Godfather of Harlem » ou encore dans le casting de « Black panther », puis Alex Descas, que l’on a pu revoir dans « Chocolat » de Roschdy Zem en 2016, et puis Jean-Claude Brialy, l’acteur disparu en 2007 et qui avait brillé chez Claude Chabrol dans « Le Beau Serge » par exemple en 1958.
C’est également un film dans lequel la réalisatrice va parler de cette France que l’on ne voit pas, que l’on ne veut pas reconnaître comme existante, par peur de lui donner cette importance qu’elle mérite. Celle de l’immigration, de ces hommes, pleins d’espoirs qui sont venus chercher un idéal en France mais qui vont vite se rendre compte que cet Eldorado, n’est pas aussi accueillant que ne le chantait les chants des anciens. Il faudra se battre, faire des concessions et surtout vaincre les aprioris et les confrontations avec les hommes blancs que se sentent toujours supérieur et les hommes noirs que els autres considèrent comme inférieurs. Mais il y a également le rapport à la mort et dans lequel, la réalisatrice va ancrer les bases de son récit, pour mieux l’illustrer à travers les combats de coq et cette violence sanguinolente dont sont avides les parieurs.
Du coup le film « S’en Fout La Mort » de Claire Denis raisonne à nos esprits comme une remise en question, celle où nous sommes tous amenés à nous interroger sur les conditions de ces hommes, un Antillais et un Noir, dont l’un peut prétendre être plus proche de l’homme blanc que l’autre mais qui se retrouve vite confronté à la réalité : Sa peau sera toujours un obstacle, face à l’obscurantisme de certains blancs et à ce besoin de domination dont ils sont pourvus. Avec un sens de la mise en scène qui lui est propre, la réalisatrice, va beaucoup utiliser la caméra à l’épaule, pour mieux placer le spectateur au centre de l’action et ne jamais le lâcher. Elle va surtout éviter de filmer de manière trop frontale les combats de coq, mais va laisser apparaître, petit à petit les liens que va tisser Jocelyn avec son coq qu’il tient à protéger de la barbarie des autres. Et Claire Denis de filmer avec subtilité les changements qui vont s’opérer sur les deux hommes, associés dans ces paris clandestins tenus par le troisième, un blanc sans aucun scrupule qui va les manipuler et leur mettre la pression pour les tenir dans ses griffes.
Un film intelligemment écrit en collaboration avec Jean Pol Fargeau (Les salauds) et qui va chercher à aller au plus profond de la psyché humaine dans cette relation particulière à la couleur et à ce goût du sang qui semble galvaniser les foules au détriment de la détresses des uns qui rêvent de partir loin de tout ce fatras. La réalisatrice signe avec « S’en fout la mort » un film puissant, marquant, qui laisse le spectateur réfléchir à ces conditions d’hommes quels que soient les côtés de la barrière, mais qui ne peut laisser indifférent. A découvrir si cela n’a pas déjà été fait.