États-Unis, années 1970. Cecilia Lisbon, dernière-née d’une fratrie de cinq filles, vient de faire une tentative de suicide. Pour changer les idées de leur benjamine, les parents acceptent d’organiser une fête à laquelle sont conviés des garçons du quartier, depuis toujours fascinés par ces cinq sœurs à la beauté renversante. Au cours de cette soirée, Cecilia se jette par la fenêtre. Dès lors, les filles Lisbon, au nombre de quatre, vont être de plus en plus étouffées par leurs parents surprotecteurs, jusqu’à la tragédie ultime...
Pour son premier film, la réalisatrice Sofia Coppola, fille de Francis Ford Coppola, réalisateur du « Parrain », a décidé d’adapter le roman du même nom de Jeffrey Eugenides. Un auteur qui a apprécié son approche de son œuvre qui se démarquait radicalement de celle des autres réalisateurs qui avaient déjà plancher sur le sujet. Car la réalisatrice a voulu d’abord comprendre le point de ces jeunes filles dont il est question ici. Des jeunes filles éduquées dans la rigueur de la religion par des parents bien trop occupés par leurs dévotions que par les besoins et les envies de leurs filles. Et ce, même après la tentative de suicide de leur cadette Cecilia.
Et le scénario que la réalisatrice a signé toute seule, prend le parti de comprendre ces jeunes filles, de les dessiner et d’y inscrire une histoire qui prenne en compte leur point de vue, et non celui des garçons qu’il serait trop tentant de faire, afin de dessiner le portrait d’une famille dysfonctionnelle, même si aimante de l’extérieur. Le scénario, au contraire tisse une histoire dans laquelle, les jeunes filles tentent de vivre comme les autres, leurs vies de jeunes filles et d’y découvrir les joies de l’amour et la romance, quitte à ce que cela devienne une arme de rébellion envers les parents qui veulent en faire des filles exemplaires comme ils le conçoivent et comme le conçoit la religion qu’ils pratiquent intensément.
En utilisant la voix off de l’un des garçons, la réalisatrice tend à nous faire croire que ce sont eux qui sont au centre de l’intérêt, mais la réalité est tout autre car elle oppose finalement la liberté dont semblent jouir les garçons, les images que les filles s’en font pour nous révéler toute la dualité qui leur est imposée et la souffrance psychologique qu’elles endurent. Sofia Coppola, ne fait jamais dans l’impudeur et se concentre, au contraire, sur les gestes les plus innocents, les regards de ces ados et l’interprétation qu’ils font des choses. La réalisatrice filme une certaine sensualité, mais jamais en dénaturant l’innocence des gestes. Le meilleur exemple, étant la plus âgée, celle qui a le plus envie de vivre sa vie, de se libérer du poids de ses parents, et montre à quel point l’amour, l’acte charnel ne sont pas vécue par elle comme des péchés ou comme des besoins, mais simplement comme une forme de révolte intérieure et forte envers l’autorité des parents et particulièrement de la mère.
D’ailleurs, si la réalisatrice, se concentre sur le point de vue des enfants, elle parvient également à dépeindre les parents dans tous leurs paradoxes, avec un amour inconditionnel pour leurs filles qui s’arrête là où la religion commence à imposer des règles draconiennes. C’est ainsi que lors de sa scène d’ouverture, la réalisatrice vient nous montrer une salle de bain ordinaire avec tout ce que cela comprend de parfums, maquillage et autres ressorts de la féminité, telles qu’on se la dessine. Et puis doucement par le lien intéressant d’un détail, un chapelet, une couleur, le rouge d’un vernis qui va venir faire écho à la jeune fille qui s’est ouvert les veines. Tout au long de son film, Sofia Coppola, va opposer les images et la réalité, la volonté des parents et celle des jeunes filles. Par une mise en scène subtile et parfaitement dosée de détails, la réalisatrice va nous emmener vers la conclusion tragique qui nous attend.
« Virgin Suicides » est un premier film réussit, puissant, dont chaque détail de la mise en scène est pensé pour emmener un peu plus le spectateur vers un final qui se dessine tout au long du film. Sofia Coppola s’est positionné du point de vue des filles pour mieux nous amener à comprendre ce qui les bouleverse, les torture et les tient éloignées des autres adolescents de leurs âges. « Virgin Suicides » est, évidemment, une œuvre féministe, qui a su garder une véritable subtilité dans son discours.