Quand ils avaient vingt ans, Michel et Sonia se sont aimés. Ils faisaient partie d'une bande de copains provinciaux, et Michel en était le leader, celui qui « irait loin ». Mais il s'est arrêté en chemin, et voilà qu'ils se retrouvent tous à une réception quelques années plus tard. Sonia ne peut s'empêcher d'être déçue et Michel d'en être blessé.
Le réalisateur Patrice Chéreau, connue, notamment pour son excellente adaptation du roman d’Alexandre Dumas : « La Reine Margot », fut réputé pour son goût du théâtre et particulièrement de son style très soigné, très chorégraphié, en d’autres termes, très théâtral. Lorsqu’il réalise « Hôtel de France » en 1987, il est déjà à la tête d’une compagnie de théâtre sur Nanterre : Le Théâtre des Amandiers. Un théâtre qui fonctionne sur le principe de la troupe, où les comédiens vont autant sur les planches que devant les caméras. Tout le monde semble tourner autour d’un point central qui servira à une histoire où tout semblera improvisé (Il y en aura), mais où tout est soigné et répété des heures et des semaines à l’avance.
Et qu’est-ce que « Hôtel de France » peut bien avoir de particuliers dans l’univers du réalisateur dont ce film n’est pas forcément l’œuvre la plus populaire ? Et bien dans un premier temps nous pourrions dure qu’il est l’adaptation au cinéma d’une pièce d’Anton Tchekhov : « Platonov » qui fut déjà joué au théâtre des Amandiers. Comme pour illustrer l’idée même que le réalisateur se faisait de son art et de sa troupe. Ensuite parce qu’un premier documentaire, réalisé par François Manceaux, qui fut assistant réalisateur sur le film, « Il était une fois Dix-Neuf Acteurs », un documentaire de 3 x 52 minutes, mais aussi parce que la mise en scène de « Platonov » fut le sujet du très remarqué « Les Amandiers » de Valéria Bruni Tedeschi (Mon homme), dans laquelle l’actrice et réalisatrice expose les méthodes de travail de Chéreau qui pouvaient aller jusqu’à de la violence psychologique.
« Hôtel de France » est donc une œuvre chorale dans laquelle l’intrigue qui doit tourner autour de deux personnages Michel et Sonia, dont le premier portait tous les espoirs de réussite de ses amis, mais revient quelques années après bien loin de ces espérances, et retrouve donc elle qui l’a aimé. Mais chez Chéreau, l’ensemble est toujours important, il y a toujours ce point central et un peu comme une galaxie, les planètes tournent autour d’un axe et ont leurs propres existences, leurs propres fêlures. Un choix de mise en scène qui nécessite forcément plusieurs lectures pour bien en comprendre toutes les subtilités et toutes les trames qui se jouent devant nous. Une mise en scène très énergique qui peut parfois déstabiliser le spectateur, mais que l’on retrouvera également dans « La Reine Margot » mais avec une noirceur qui lui colle mieux.
Dans « Hôtel de France », les acteurs semblent faire partie d’une chorégraphie, improvisée alors eu tout a été parfaitement minuté, précisé, des mois auparavant pour le jour du tournage, chacun connaisse sa place et le regard qu’il doit lancer ou le rire qui doit éclater. Les acteurs sans aucune distinction aucune, parlent fort, bougent beaucoup (parfois trop), mais rien n’est jamais dû au hasard et à mesure que le film avance l’on comprend le sens de tout cela, les sentiments, les énergies, les douleurs, les frustrations et les joies s’illustrent dans ces gesticulations et dans ces éclats de voix.