Deux étudiants en suppriment un troisième, pour la seule beauté du geste. Défi suprême, le meurtre précède de peu une soirée où ils reçoivent les parents de la victime et leur ancien professeur.
« La Corde » est un film particulier dans la carrière du maitre du suspens : Alfred Hitchcock (Les Oiseaux). D’abord c’est un huis-clos, dans lequel el réalisateur fait doucement monter la pression avec une précision d’orfèvres, qui montre tout le talent du réalisateur. Mais c’est surtout un film, basé sur un scénario écrit par Arthur Laurents (Anastasia), Ben Hecht (Le Plus Grand Cirque du monde) et Patrick Hamilton (Hantise), ce dernier étant l’auteur de la pièce dont est tiré le film. Une pièce qui fut inspirée par un fait divers datant de 1924. Mais surtout « La Corde », c’est un film dans lequel Hitchcock va s’amuser avec deux choses bien précises : Créer l’illusion d’un seul plan séquence (En fait il y en a 11, et le réalisateur va utiliser plusieurs subterfuges pour créer l’illusion de ce plan unique), et il va également parler frontalement d’Homosexualité, sans pour autant se faire avoir par la censure très puritaine en vigueur en 1948 (Cela n’empêchera pas le film d’être interdit dans certains états justement à cause de cela).
Hitchcock va magnifier sa mise en scène dans « La Corde », même si dans ses entretiens avec François Truffaut quelques années plus tard, il dira que cela n’était pas très utile, en créant l’illusion d’un plan séquence unique. Pendant longtemps, le film eut cette réputation, mais en se confiant au réalisateur français des « 400 coups », que Hitchcock donnera la réponse : Il usa de plusieurs stratagèmes, comme un personnage qui passe au premier plan, une porte qui s’ouvre, etc… Un ensemble de supercheries qui seront également utilisés par de nombreux réalisateurs par la suite et particulièrement Sam Mendès dans « 1917 » en 2019. Mais « La Corde », dont l’impossibilité d’un plan unique est surtout due au matériel, notamment aux bobines, qui ne permettaient pas de filmer plus de 10 minutes en continu. Il n’en demeure pas moins que « La Corde » contient seulement 11 plans alors qu’il en faut normalement pour un film classique entre 400 et 600. Et le maitre de pourtant maitriser à la perfection sa mise en scène en créant une tension palpable qui monte chaque fois d’un cran, dans une unité de lieu, de temps et d’action.
Du côté scénaristique, la pièce dont est tirée le film est beaucoup plus explicite, mais les scénaristes et le réalisateur vont, toutefois, contourner la censure, en ce qui concerne les personnages des trois étudiants dont on comprend très rapidement qu’il s’agit d’un triangle amoureux tragique qui verra deux d’entre eux tuer le troisième, puis faire des plans sur leur avenir futur commun. Les « deux amants », l’un plus fragile que l’autre, vont alors tenter de cacher leur méfait en recevant des invités, et en leur offrant des collations dont le buffet est disposé sur la malle où se trouve le corps du malheureux. Il ne sera jamais fait ouvertement allusion à leur sexualité, mais les dialogues sont intelligemment écrits pour le spectateur n’ait aucun doute.
Le jeu des acteurs, que ce soit, James Stewart, qui signe là, sa première collaboration avec le réalisateur, avant des œuvres majeures comme « Fenêtre sur cour » (1954), « L’Homme qui en savait trop » (1956) ou encore « Sueurs Froides » (1958), John Dall (Spartacus) et Farley Granger (L’Inconnu du Nord Express) livrent des prestations puissantes dans lesquelles nous voyons la tension monter à mesure que le premier commence à comprendre que l’absence de David, l’auteur de l’invitation manque à l’appel. Stewart est grandiose et tout en froideur alors que John Dall excelle dans sa performance de tueur qui n’éprouve aucun remords ni aucune espèce de pitié pour celui qui est sans vie dans el coffre. Farley Granger quant à lui, devient le pivot de cette tension qui ne cesse de monter tant il ne parvient pas à masquer son angoisse.