Depuis qu’il a perdu sa femme, Andrew Blake n’a plus le cœur à rien. Un ultime élan le pousse à quitter Londres pour retourner en France, dans la propriété où il l’avait rencontrée. Ce voyage vers le souvenir des jours heureux ne va pas du tout se passer comme prévu…Pour rester au domaine de Beauvillier, Blake se retrouve condamné à jouer les majordomes à l’essai. Entre Mme Beauvillier, la maîtresse des lieux au comportement aussi étrange que ses relations, Odile, la cuisinière au caractère bien trempé, Philippe, l’intendant un peu frappé qui vit en ermite au fond du parc, et Manon, la jeune femme de ménage dont le destin bascule, Blake découvre des gens aussi perdus que lui. Face à eux, dans cet endroit à part, cet homme qui n’attendait plus rien de la vie va être obligé de tout recommencer…
Ecrivain, Script doctor, mais également directement concerné dans des projets tels que « Largo Winch » ou encore « Stargate SG1 », Gilles Legardiner n’est pas un débutant dans le cinéma. Pourtant avec « Complètement Cramé ! », il passe une étape supplémentaire dans sa carrière, en devenant réalisateur. Il aura fallu dix années de préparation de projet pour que le film puisse enfin sortir sur nos écrans. Le réalisateur n’a, dès le départ, pas eu la volonté de retranscrire scrupuleusement son roman, mais de l’adapter pour le rendre plus visuel. Ce qui donne une œuvre, parfois en suspension, qui hésite entre le huis-clos et la comédie sentimentale, parfois grinçante, comme le « Huit Femmes » (2002) de François Ozon. Seulement, Legardinier n’est pas Ozon et sa tonalité est moins acerbe, plus classique et plus linéaire. Ce qui donne un scénario, signé avec Christel Henon (Chambre 212), qui s’intéresse à l’aspect visuel des choses et en perd un peu son essence, même si la peinture des personnages reste savoureuse, il manque, justement un humour noir qui aurait pu donner plus de corps à l’ensemble.
Et c’est d’ailleurs dans la mise en scène de Gilles Legardinier que l’on sent le plus cette simplicité et en même temps cette envie de bien faire qui a tendance à freiner le réalisateur dans son ambition de créer des sensations chez le spectateur. Et cela est très présent sur la première partie du film, qui peine à trouver son rythme et sa dynamique, comme si les personnages tentaient, en direct de trouver leurs marques. Il faut de la deuxième moitié du film pour pouvoir commencer à se prendre de sympathie pour chacun des belligérants. Car, d’un seul coup le réalisateur, commence à s’amuser et à faire vivre ses personnages, à profiter de leurs faiblesses et distille un peu de folie burlesque qui sied parfaitement à l’univers qu’il veut nous faire partager.
Et pour cela, il s’alloue les services de deux stars : John Malkovich (Burn After Reading) d’abord, sur lequel repose l’intégralité du film. L’acteur utilise sa connaissance du français et offre une prestation qui manque parfois de dynamique du fait de cette barrière de la langue. Pourtant, encore une fois, dans la deuxième partie du film l’acteur se libère et laisse tout le cabotinage et la sympathie de son personnage prendre l’espace. Et puis il y a Fanny Ardant (La Femme d’à Côté), magistrale, inapprochable, star, qui se laisse pourtant à jouer de son image pour incarner une maitresse de maison, endettée qui cherche par tous les moyens à sauver son domaine, mais tente de garder la tête haute en toute circonstance, précise dans son jeu, comme à chaque fois, elle offre une prestation touchante et majestueuse.