Pour ses vacances d’été, Connie, lycéenne de 15 ans en pleine crise d’adolescence, est coincée à la campagne avec ses parents et sa sœur aînée. Horrifiée à l’idée de passer du temps en famille, la jeune fille préfère traîner avec ses deux meilleures amies au centre commercial et flirter avec les garçons. Elle finit par éveiller la curiosité d’un certain Arnold Friend, jeune homme charismatique et enjôleur aux desseins ambigus…
Inédit en France, « Smooth Talk » est pourtant un film remarquable qui reçut le Grand Prix du Festival de Sundance en 1986. Remarquable d’abord par l’ambiguïté et les messages plus sombres qu’il véhicule. Adaptation du Roman de Joyce Carol Oates : « Where Are You Going, Where Have You Been ? », une romancière qui inspirera plus tard de nombreux réalisateurs comme Andrew Dominik (Bonde), François Ozon (L’amant Double) ou encore Laurent Cantet (Foxfire), « Smooth Talk » est un film que la réalisatrice a construit comme un piège dans lequel, de la même manière que sa jeune héroïne, va se refermer sur le spectateur.
Durant une première heure, elle va doucement dépeindre une chronique adolescente d’un été partagé entre ennuie, flirts, et tension entre mère et fille. La mère jalouse de la beauté de sa fille, mais qui craint consciemment ou non le danger qui peut poindre de ce passage compliqué où les sentiments envers les garçons commencent à s’éveiller, comme une terre vierge à explorer, sans prendre conscience des éventuels dangers qui rodent. La réalisatrice va alors suivre Connie, dans ses sorties entre amies, à la rencontre de ces moments magiques où les jeux de séductions s’essayent à l’amour qui pourrait en naitre. Puis au détour de quelques plans, la réalisatrice distille des indices de ce danger qui rode, et qui peut à tout moment tomber. Et c’est là que l’actrice Laura Dern (Jurassic Park) fait preuve d’un talent remarquable avec une palette de jeux d’une largeur incroyable. Mais l’actrice va prendre, d’un seul coup, toute cette ampleur que l’on pouvait attendre d’une future grande comédienne.
Lorsque la réalisatrice va amorcer, ce qui va transformer, ce sympathique Teen Movie, lent et captivant par les différences de tons qu’il utilise, en sorte de Thriller Oppressant, où le personnage d’Arnold Friend va entrer réellement en scène. Dans une dernière demi-heure particulièrement maitrisée dans la manière oppressante dont la réalisatrice Joyce Chopra va mettre en scène cette rencontre non souhaitée, avec le ton de la prédation qui se met en place. Arnold qui est joué par Treat Williams (Il était une fois en Amérique), dont la prestation illustre à elle seule toute la tension et la subtilité voulues par la réalisatrice. L’acteur va moduler sa voix, comme un serpent qui veut hypnotiser sa proie pour mieux la prendre dans des ses mâchoires, Treat Williams, va également utiliser son corps, ses positions, pour mieux prendre au piège cette adolescente dont il sait qu’elle est seule dans la maison, afin qu’elle accepte de monter en voiture avec elle pour une balade. Il ne rentrer jamais dans la maison, mais par des mots choisis et des intonations, il va amener Connie à sortir d’elle-même à venir se jeter dans la gueule du Loup. Laura Dern impressionne alors par la précision de son, jeu, cette façon qu’elle a de se tenir et de jouer sur toutes les couleurs des sentiments : La peur, l’attirance, le doute, la naïveté et bien d’autres encore.
Le film se conclue alors par une sorte d’ambiguïté folle, où la réalisatrice laisse le spectateur choisir la réponse à la question : Que s’est-il passé durant cette balade ? Le trouble de la jeune fille, la dernière réplique d’Arnold, tout est fait pour donner des indications et laisser le spectateur seul face à un piège dans lequel il s’est, lui aussi, laissé prendre.