La famille Colvert est en proie à un dilemme d’ordre domestique. Alors que Mack est totalement satisfait de patauger avec sa famille, paisiblement et définitivement, dans leur petite mare de la Nouvelle-Angleterre, sa femme Pam serait plus du genre à bousculer un peu cette routine pour montrer le reste du monde à ses enfants - Dax qui n’est déjà plus un caneton et sa petite sœur Gwen. Lorsqu’ils accueillent, le temps de leur halte, une famille de canards migrateurs, c’est l’occasion rêvée pour Pam de persuader Mack de les imiter et de se lancer dans un périple en famille : destination la Jamaïque, en passant par New York. Alors qu’ils s’envolent vers le soleil pour l’hiver, le plan si bien tracé des Colvert va vite battre de l’aile. Mais la tournure aussi chaotique et inattendue que vont prendre les évènements va les changer à jamais et leur apprendre beaucoup plus qu’ils ne l’auraient imaginé.
Alors voilà typiquement le genre de film d’animation qui surprend, d’abord par son sujet : La migration des canards, mais aussi par le choix de son réalisateur principal qui n’est autre que Benjamin Renner, un français que l’on connaît pour celui qui fut à l’œuvre sur le film d’animation : « Ernest et Célestine » (2012). La surprise est d’autant de taille, que l’on imagine assez difficilement le mastodonte « Illumination », qui a à son palmarès des franchises comme « Moi, Moche et Méchant », « Tous en scène » et « Comme des bêtes » et surtout l’énorme carton de 2023 : « Super Mario Bros Le film », faire appel à un frenchy, dont la particularité est d’utiliser un style d’animation 2D, bien loin de l’esthétique 3D du studio. Et même, si ce dernier garde un lien privilégié avec la France, notamment grâce à sa collaboration avec « Mc Guff Ligne », le studio parisien qui travailla sur « Moi Moche et Méchant » et sur « Les Minions », la rencontre avec Renner paraissait improbable. Ce fut pourtant le cas !
Et c’est certainement ce qui fait de « Migration » un film si particulier, qui trouva son public avec près de 2 Millions d’entrées et rapporta, au total, plus de 295 Millions de Dollars pour un budget de 72 Millions. Et le style du réalisateur se remarque dès les premiers plans de l’étang où niche la famille de héros, avec un mélange de deux types d’animation, une directement venue de Renner avec des couleurs très appuyées, comme dans une peinture, ou une animation traditionnelle, puis lorsque les personnages apparaissent, nous plongeons dans de l’animation 3D plus en adéquation avec le studio. Ce qui ressort immédiatement, de « Migration », c’est la poésie et l’humour qui se dégage de cette histoire où le père canard raconte une histoire dans laquelle il incluse ses propres peurs et ses propres fantasmes sur les prédateurs qui les guettent.
L’autre surprise se trouve dans le scénario écrit par Mike White, le multi récompensé auteur de la série « The White Lotus », qui, ici, signe une histoire à la fois tendre et parfaitement adaptée aux enfants, sans pour autant laisser les adultes de marbre, tant il parvient à distiller parfois quelques irrévérences. Ici, l’intrigue tourne autour d’une famille de canards sauvages, qui va se lancer dans une migration, mais dans le mauvais sens. Au lieu de partir vers le sud, en direction de la Jamaïque, ils vont aller vers le Nord et se retrouver à New-York où ils vont croiser dans leurs périples, toute une galerie de personnages tous plus drôles et plus hauts en couleurs. Le scénario s’amuse de l’image que nous pouvons avoir des oiseaux, en général et parvient à éviter les pièges de la fadeur récurrentes es œuvres à destination du jeune public.
Aidé, par la voix si particulière du comédien Kumail Nanjiani, qui depuis sa prestation remarquée dans la série « Silicone Valley » a fait bien du chemin et est devenue une valeur sûre du cinéma américain, au point de le voir dans des grosses machines comme : « The Eternals » (2021) de Chloé Zhao ou encore dernièrement « S.O.S. Fantômes : La Menace de Glace » (2024) de Gil Kenan, le réalisateur trouve une tonalité bien spécifique à son film d’animation. Le comédien apporte une fragilité dans la voix et une force qui sied parfaitement au personnage de Mack Mallard. Face à lui, la comédienne Elizabeth Banks, star de la série « Modern Family », mais surtout et également réalisatrice de « Pitch Perfect 2 » (2015) ou du très surprenant « Crazy Bear » en 2023, qui s’amuse à moduler sa voix pour lui donner plus de douceur et de force en même temps pour contre balancer la fragilité de son partenaire de jeu. « Migration » c’est également l’occasion de retrouver un Danny De Vito (La Guerre des Roses) jamais aussi présent que ces dernières années.