Scottie est sujet au vertige, ce qui lui porte préjudice dans son métier de policier. Rendu responsable de la mort d'un de ses collègues, il décide de quitter la police. Une ancienne relation le contacte afin qu'il suive sa femme, possédée selon lui par l'esprit de son aïeule. Scottie s'éprend de la jeune femme et se trouve ballotté par des évènements qu'il ne peut contrôler.
Adaptation du roman « D’entre les Morts » de Pierre Boileau et Thomas Narcejac, « Sueurs Froides » est un film majeur dans la carrière d’Alfred Hitchcock, grand maitre du suspense, à qui l’on doit notamment des œuvres comme « La Mort aux Trousses » en 1959, avec cette scène mythique d’un cary Grant poursuivi par un avion, ou encore « Psychose » l’année suivante et sa fameuse scène de la douche (Je me pose la question s’il fallait encore présenter Hitchcock !). C’est un surtout un long métrage particulier dans la filmographie du maître, puisqu’il eut un parcourt particulièrement chaotique. Ce fut d’abord un scénario que le réalisateur commença par écrire, alors qu’il souffrait d’une hernie dont il fut opéré, laissant le scénario, jugé « intournable et incompréhensible » par le studio, aux mains de d’Alec Coppel (Le Mercenaire), puis Samuel A Taylor (Sabrina) qui signera la version finale. Puis ce fut l’actrice envisagée, Vera Miles (Psychose), qui tomba enceinte, et qui fut donc remplacée par Kim Novak (La Blonde ou la Rousse), une actrice bien moins malléable, que les autres actrices qui avaient travaillé avec Hitchcock auparavant, et qui se heurta à une collaboration plus compliquée, enfin ce fut l’accueil qui fut un peu froid de la part des critiques, mais également du public qui ne se déplace pas en grand nombre dans les salles. Et même si le film rapporta 7 Millions de Dollars, alors qu’il en avait coûté 2.5, ce fut un bien léger succès dans la carrière du réalisateur. Pourtant, « Sueurs Froides » finira par trouver sa place dans le cœur des cinéphiles, au point de devenir le deuxième film le plus important dans l’histoire du cinéma derrière « Citizen Kane » (1941) d’Orson Welles.
Et tout cela n’a rien d’étonnant lorsque l’on visionne le film, tant il est habité par toutes ces difficultés, on sent du Hitchcok dans le personnage de Scottie, avec sa noirceur et ses phobies. Et puis, il y a cette mise en scène sombre et lente qui traverse San-Francisco, laissant apparaître les tensions d’une relation complexe et d’un rapport à la mort et à la peur, le tout avec une touche de fantastique, dans une histoire où la vérité et la clé d’un suspense pousse les personnages au-delà de leur limite. Hitchcock filme comme rarement, utilise les couleurs, dans ses ambiances, mais également dans les tenues des personnages qui viennent illustrer leurs complexités et leurs sentiments. Kim Novak parvient à imposer son personnage de femme tourmentée, sans pour autant en appuyer trop le trait. Elle se laisse porter par une mise en scène précise où rien n’est laissé au hasard, même si l’actrice a pu se plaindre du manque de directive du maître. Face à elle James Stewart, qui signe là sa quatrième et dernière collaboration avec le réalisateur après « La Corde » en 1948, « Fenêtre sur cour » en 1954 et « L’Homme qui en savait trop » en 1956, signe, ici une composition à contre-emploi, où il vient casser son image de séducteur, courageux et téméraire. Ici, il joue un personnage diminué, un brin pervers puisqu’il est amoureux d’une personne susceptible d’être morte.
« Sueurs Froides » est un film majeur dans la carrière d’Hitchcock qui inspira, par la suite une multitude cinéaste prestigieux comme De Palma ou encore David Lynch. Surprenant par sa mise en scène plus lente, plus en fausse simplicité, le réalisateur nous fait visiter San-Francisco et nous donne au passage une leçon sur comment filmer les sentiments et les obsessions naissantes, sans parler, bien-sur, de l’incroyable générique signé Saul Bass (Les Affranchis) et le goût pour le réalisateur de l’innovation, qu’il met au profit de la scène hallucinante de l’escalier, où le jeu complexe de focales et l’utilisation d’une maquette vont donner cette sensation de vertige. Un film majeur à découvrir d’urgence dans cette version remasterisée.