Ne pouvant supporter sa belle-mère, Jojo vit seul sous les toits, place Pigalle. Il a une quinzaine d'années et la présence dans une chambre voisine de la danseuse Jenny le trouble beaucoup. Mais Jenny a un amant. Déprimé, Jojo irait jusqu'à se suicider sans l'intervention des voisins et le retour de son père.
En 1960, pointe les premiers soubresauts de ce que l’on appellera « La Nouvelle Vague », un mouvement cinématographique mené par d’anciens critiques de cinéma, pour la plupart, comme François Truffaut (Les 400 Coups), Jean-Luc Godard (A Bout de Souffle) et puis bien évidemment Jean Eustache (La Maman et la putain). Tous ont en commun de pointer du doigt le classicisme de leurs ainés, comme Julien Duvivier. Lui qui commença sa carrière de réalisateur en 1919 et signa des œuvres majeures comme « Poil de Carottes » en 1932, mais surtout « La Belle Equipe » en 1936 ou encore « Pépé le Moko » en 1937, se voit alors conspué par ce mouvement, qui voit en lui et en d’autres, la preuve d’un manque de prise de risque et surtout d’un certain confort à tourner en studio et à rester dans un microcosme qui l’empêche de plonger réellement dans la vraie vie.
Pourtant en 1960, Duvivier signe « Boulevard », un film hybride, dans lequel on peut retrouver le classicisme tant reprocher, mais surtout, et c’est ce qui le rend étonnant, une inspiration de cette fameuse nouvelle vague, avec, par exemple, des prises de vues dans la rue avec une caméra cachée, une plongée sociétale ancrée dans l’époque, des explorations d’effets visuels ou sonores, et une peinture de personnage simple et pourtant complexe interprétés per des acteurs méconnus. A travers le personnage de Jojo, Julien Duvivier, continue de conserver un certain pessimisme tout au long de son film (Une marque de fabrique du réalisateur), mais va, cette fois-ci sortir de sa zone de confort en le rendant plus complexe qu’il n’y parait tout en l’amenant à une fin radicalement différente de celle à laquelle nous pouvions nous attendre.
Autre signe de son ouverture à « La Nouvelle Vague », la présence de Jean-Pierre Léaud (Les 400 Coups) l’Antoine Doinel de François Truffaut. Le jeune acteur, s’il peut paraître inégale dans son jeu n’en demeure pas moins déroutant dans ses regards et dans la force de certains de ses monologues, qu’il récite, certes, mais avec une maturité étonnante, pour son âge. Il a 16 ans à l’époque. Face à lui, un acteur que l’on a très peu l’occasion de voir dans des rôles, de « Loser », ou de peu de réussite : Pierre Mondy (Mais où est donc passée la 7ème compagnie). Ici l’acteur qui prend la place de Jean Paul Belmondo, que Duvivier souhaitait, mais qui n’était pas disponible, impose une innocence dans son jeu avec une maitrise remarquable. L’acteur est précis entre force et sensibilité, il forma avec Léaud un duo improbable, qui fonctionne à merveille.
« Boulevard » est une réponse de Julien Duvivier à ses détracteurs et une incursion dans un style qu’il parvient à maitriser avec un mélange de modernité et de classicisme qui font de ce film, non pas un chef d’œuvre, mais une preuve supplémentaire de l’importance de ce réalisateur dans l’histoire du cinéma français.