« Kinds of Kindness » est une fable en tryptique qui suit : un homme sans choix qui tente de prendre le contrôle de sa propre vie ; un policier inquiet parce que sa femme disparue en mer est de retour et qu’elle semble une personne différente ; et une femme déterminée à trouver une personne bien précise dotée d’un pouvoir spécial, destinée à devenir un chef spirituel prodigieux.
Avec le réalisateur Yorgos Lanthimos, nous ne sommes jamais totalement déçus par le voyage auquel il nous invite à participer. Grand explorateur des sentiments, du rejet particulièrement, ou l’amour et l’indifférence, le réalisateur est aussi connu pour son goût de l’extrême, dans le bon comme dans le mauvais sens du terme n’hésitant pas à bousculer ses actrices dans leurs jeux pour les éloigner de leurs zones de confort. Ce fut le cas pour Nicole Kidman (Eyes Wide Shut) dans « Mise à mort du Cerf Sacré » (2017), pour Olivia Coleman (The Crown) dans « La favorite » (2018), dans lequel jouait déjà Emma Stone (La La Land) et qui elle aussi fut bousculée dans son approche du personnage dans « Pauvres Créatures » (2023). Pour les acteurs il en fut de même pour Colin Farrell (Miami Vice) et Barry Kheogan (Saltburn) dans la difficile histoire de « Mise à Mort du Cerf Sacré » ou encore dans « The Lobster » (2015) pour le premier. Le réalisateur pousse ses acteurs au meilleur, les force à oublier les artifices et surtout à se mettre en danger dans prestations physiques et psychologiques sans concession.
Dans « Kinds of Kindness », nous retrouvons les mêmes clés de la mise en scène de Yorgos Lanthimos, avec notamment à la clé un prix d’interprétation à Cannes pour son acteur principal : Jesse Plemons (Killers of the Flower Moon) dont la composition de trois personnages, à la fois similaires et radicalement opposés et redoutable de précision et d’efficacité. Plemons ne joue jamais la surexposition, il va, au contraire, entrainer ses personnages dans une simplicité désarmante que ne les rendent que plus attachant ou inquiétant. Que ce soit, cet homme qui cherche à prendre ses propres décisions ou encore celui dont la femme disparue revient, mais dont il est persuadé qu’elle n'est celle qu’il a tant aimé. L’acteur joue avec virtuosité sur les trois tableaux.
Et puis il y a la mise en scène de Yorgos Lanthimos, précise, utilisant toujours ses lents travellings, soignant son image pour que le spectateur ne voit que le propos de l’artiste derrière la toile qu’il nous expose. Le réalisateur joue sur le rythme, sur les silences et sur le visuel pour mieux explorer ses thèmes de prédilections qui prennent une autre ampleur, que ce soit la soumission, l’amour ou l’indifférence, tout est exploré, disséqué dans trois histoires qui ont en point commun de voir les acteurs jouer des rôles différents.
Le film est touchant, remarquable de précision, mais à trop vouloir en faire, le réalisateur perd parfois le spectateur dans le fil de son histoire. Et si tout est fait pour nous surprendre et nous bousculer, Lanthimos en oublie quelques fois l’originalité et la cohérence. Car l’utilisation du principe de film à sketches provoque inévitablement une faiblesse dans la lecture de l’une ou de l’autre des histoires, comme al dernière tournant autour d’une secte et de son besoin de trouver celui ou celle qui deviendra le chef spirituel. Lanthimos se laisse parfois déborder par son sujet et nous laisse sur le côté de la route.