La règle du Jeu

Accueilli en héros à l'aéroport du Bourget, l'aviateur André Jurieux, qui croule sous les acclamations du public, est pourtant écœuré. Lui qui vient de traverser l’Atlantique dans le seul but d’impressionner la belle Christine de La Chesnaye est dépité de ne pas la trouver à son arrivée. Son ami Octave, compatissant à son chagrin, tente de lui remonter le moral en le faisant inviter dans un château en Sologne. Son propriétaire, Robert de La Chesnaye, un marquis volage marié à la frivole Christine, s’apprête en effet à y donner une partie de chasse suivie d’une fête aussi somptueuse qu’endiablée.

Echec commercial à sa sortie, mais chef-d’œuvre devenu culte par la suite « La règle du Jeu » de Jean Renoir, fils d’Auguste Renoir grande figure des peintres impressionniste, est aussi célèbre pour son parcours chaotique, avec, notamment des pellicules détruites durant un bombardement, puis un master retrouvé qui a permis en 1959, de refaire un montage approuvé par le maitre, c’est aussi une œuvre majeure de la période, précédent, de peu, la seconde guerre mondiale. Seulement, le film est aussi connu pour un tournage compliqué avec une partie en Sologne qui au lieu de durer 2 semaines s’étalera sur 5. Puis le réalisateur qui, au moment du montage se met à douter de son œuvre et en coup près d’un quart d’heures, ce qui le rendit incompréhensible. Pour enfoncer le clou, des rumeurs de manifestations dans la salle le rendirent sulfureux, alors qu’il n’en n’était rien, mais qui eut pour conséquences de retirer encore environs 10 minutes de film, le rendant encore moins lisible. Ajoutons à cela, l’environnement politique compliqué de l’année 1939, qui voit poindre la déclaration de guerre, et rendirent les spectateurs et les critiques, pour certains acerbes.

20 années plus tard, Jean Gaborit et Jacques Durand, ont reconstitué le film, alors que tout le monde le pensait perdu dans un bombardement. Les deux auteurs vont le montrer au réalisateur qui sera touché par le montage et ne dira pas un mot, ce qui vaudra pour accord. Dés lors, le film obtient enfin son statut de Chef d’œuvre cinématographique. Car, Jean Renoir y dessine avec une virtuosité hallucinante les rapports entre des personnages qui évoluent à mesure que le film avance. Mêlant prouesses techniques, fluidité et intelligence scénaristique, « La règle du Jeu » surprend par sa tonalité radialement hors de son époque tout en y étant très proche. Le film est d’une telle maitrise que chaque visionnage nous fait découvrir de nouveaux angles de lecture qui le rend si passionnant et si intéressant. Truffaut disait d’ailleurs qu’en voyant « La règle du Jeu », « il n’avait qu’une envie : de retourner le voir pour savoir s’il s’agissait du même film ».

Destiné d’abord à Jean Gabin (La Traversée de Paris) et Simone Simon (La Bête Humaine), la distribution du changer et s’adapter pour pouvoir être à la hauteur de l’ambition du metteur en scène. Et même si les acteurs ne sont pas très connus, ils offrent des prestations démentes dans cette version où les bonnes mœurs de la société Bourgeoise sont secouées par une sorte d’intrigue qui peut passer du drame au vaudeville à la comédie pour finir sur une note renversante qui nous montre que le héros du film n’est peut-être pas celui que nous pensions. Déstructuré dans forme narrative, mais une évidente volonté de sortir du cinéma classique de l’époque en mettant le public face à ses propres mœurs et ses propres manières de fonctionner. Renoir fait bouger les lignes et nous plonge dans une œuvre majeure qu’il faut prendre le temps de regarder et de comprendre pour mieux l’apprécier.