Gelsomina a été vendue par sa mère a Zampano, qui la brutalise et ne cesse de la tromper. Ils partent ensemble sur les routes, vivant misérablement du numéro de saltimbanque de Zampano. Surgit Il Matto (le fou), violoniste et poète, qui seul sait parler à Gelsomina.
Le néo réalisme est une figure de style très utilisée dans le cinéma italien des 50 à 70. Il consiste en une peinture de la société, mais vue d'en bas. Celle des pauvres gens qui vivent de rien et n'ont rien pour vivre. C'est une mise en lumière souvent dramatique et parfois tragique, de cette partie de la société qui reste loin des paillettes et des palais, mais qui parvient à nous toucher par cet art de la débrouille, cette maîtrise de la survie. En 1955, Federico Fellini va signer l'une de ses œuvres majeures : « La Strada ».
Une œuvre majeure parce que le réalisateur, dont la carrière commence à se faire remarquer, impose, ici, une signature, une vision. Il livre une œuvre qui s'inscrit de bien des manières dans le Néo réalisme mais pour y distiller de ci de là de la romance, de la beauté et de l'espoir. Trois éléments qui ne sont pas parties prenantes dans cette figure narrative. Il provoquera, d’ailleurs, les foudres des gardiens du temple, qui y verront un affront à leur art. Pourtant « La Strada » c'est une œuvre puissante que l'on ne parvient pas à lâcher des lors que l'on se lance dans son visionnage. Fellini qui a écrit le scenario avec Tullio Pinelli (Huit et Demi) , s'intéresse à ces artistes itinérants, ces gens de cirques qui vont de ville en ville, dorment dans des charrettes ou dans des granges, quand ce n'est pas à la belle étoile, qui font leurs numéros sur les places de villages, dans les foires et parfois sous des chapiteaux en étant payés au bon vouloir des spectateurs. « La Strada », c'est Gelsomina vendue à Zampano un saltimbanque de rien, violent et sombre. Lorsqu'ils croisent la route d'un équilibriste que l'on appelle Le Fou, Gelsomina voit son cœur s'enivrer et Zampano, la jalousie naitre comme pousse une mauvaise herbe. Mais la réalité rattrape tous les personnages et chacun de laisser la noirceur les envahir.
Comme souvent avec les chefs d'œuvres, sa sortie fut mal comprise, car Fellini n'est pas un réalisateur comme les autres, il aime trouver la lumière, la beauté dans la noirceur. Alors il joue constamment des codes imposés et livre une œuvre majeure, déchirante, puissante qui n'enlève rien à cette peinture de la communauté Italienne du très en bas, mais offre aussi une romance impossible sur fond de violence et de désillusion.
Et puis, comment ne pas parler de la distribution ? Avec d'abord cet acteur dont on parle peu maintenant, Anthony Quinn et qui a pourtant su imposer son charisme, sa force et sa puissance de jeu sombre dans des films comme : « Zorba le Grec » (1964) de Michael Cacoyanis ou « Barabbas » (1962) de Richard Fleischer. L'acteur n'est jamais aussi bon que lorsqu'il joue sur les nuances de jeux. Pendant tout le film il est Zampano, ce culturiste, violent, désagréable, qui ne porte jamais un regard sur Gelsomina, si ce n’est pour souligner ses imperfections mais qui livrera une prestation touchante en fin de film. Et puis surtout, il y a Giulietta Masina (La Grande Vie), magnifique, touchante. En quelques secondes, d'un jeu qui fait immédiatement penser à Charlie Chaplin et son personnage de Charlot, jouant sur le rire et la tristesse, elle nous transporte dans son monde. Solaire et lunaire, la comédienne captive le spectateur en s'emparant volontairement de l'écran dans une prestation précise et nuancée. A la fois l'Auguste et le client blanc, elle traîne une sorte de mélancolie qui nous tient à l’esprit encore longtemps après avoir visionné le film. Une référence en la matière.