« The Insider » est un film d'espionnage haletant qui raconte l'histoire d’un couple d’agents secrets, George Woodhouse et sa femme Kathryn. Lorsque Kathryn est soupçonnée de trahison envers la nation, George doit faire face à un dilemme déchirant : protéger son mariage ou défendre son pays.
Il y a des réalisateurs bien installés dans leurs parcours, qui ne cherchent pas forcément à sortir des sentiers battus et font leur bonhomme de chemin en fonction de leurs projets et des résultats aux box-office. Il y a ceux, qui imposent un style, une signature font l’unanimité auprès des critiques mais toujours auprès du public. Et puis il y a ceux qui ont un pied de chaque côté et qui, au fil de leurs films viennent surprendre, divertir, alerter et innover. Steven Soderbergh est de ceux-là. Car avec des succès considérables aux box-Office comme « Hors d’atteinte » (1998), « Erin Brockovich, Seul contre tous » (2000), « Ocean’s Eleven » (2001), « Contagion » (2011) et « Magic Mike » (2012), le réalisateur aurait pu en rester là, mais il a également cherché à emmener le public dans d’autres directions, dans des projets plus confidentiels, comme « Solaris » (2002), « Girlfriend Experience » (2009). Chaque fois, Soderbergh cherche à repousser les limites de sa céativité, impose un style, une manière de tourner, comme des tournages ultra sérrés comme pour « The Girlfriend Experience » : 16, jours. Il sera l’un des premiers à utiliser une caméra numérique DV, entièrement à l’épaule dans « Full Frontal » en 2002, ou encore un film entièrement tourné à l’Iphone 7 Plus : « Paranoïa » en 2018.
Avec « The Insider » c’est à un autre défi que nous invite Steven Soderbergh. Il a ainsi décidé de nous plonger dans l’univers de l’espionnage, à travers un couple dont la femme est suspectée d’être mêlée à une affaire de trahison. Prenant le contre-pied de films comme « Mr & Mrs Smith » (2005) de Doug Liman, le cinéaste va plonger son intrigue dans un univers plus sophistiqué, utilisant les formes, les lignes, les profondeurs de champ, pour nous immerger dans un jeu de dupe remarquablement écrit par David Koepp (Panic Room). Parfaitement documenté, le scénario tisse une intrigue où les personnages s’installent, se piègent, se mentent, s’attitrent, se soutiennent et se trahissent. Rien n’est ce qu’il semble être et le scénariste garde un cap, tout en utilisant avec méticulosité les ressorts narratifs qui vont lui permettre de garder l’attention du spectateur et de ne pas le lâcher avant la fin. Un scénario qui ne pose, au début qu’une seule question : « En cas de suspicion de trahison, George doit-il protéger son couple ou défendre son Pays ? »
Et Steven Soderbergh va alors créer une ambiance sophistiquée à l’image de son couple, dont le personnage de George est une sorte d’archétype de l’espion : rigide et froid. Le réalisateur nous offre même une scène d’anthologie, qu’il confesse avoir été un cauchemar à tourner : Un diner avec 6 convives autour d’une table pendant 10 minutes. Mais le savoir faire du cinéaste est bien là, et la scène devient la plus réussie de tout le film, tant elle fait monter la pression et la gêne dans une gestion parfaitement dosée de la dynamique. Et c’est ce qui sera le maitre mot de toute la mise en scène de Soderbergh dans « The Insider », toujours trouver le bon dosage dans la rythmique et dans manière d’approcher les personnages ou les scènes.
Comme je le disais plus haut, Steven Soderbergh va utiliser les formes dans ses plans pour rentre neutre, froid ou au contraire plus chaud l’ambiance de l’action. Les couleurs vont également venir renforcer cette sensation étrange, comme suspendue que l’on ressent notamment dans la maison du couple, où le filtre jaune vient appuyer une ambiance plus feutrée, plus cosy, comme pour mieux tromper le public. Ensuite ce sont les lignes et les focales qui vont compléter le travail de mise en situation des personnages et des évènements à venir. Le réalisateur soigne ses plans, chaque détail de sa mise en scène est travaillé au maximum pour n rien laisser transparaitre de ses intentions. Une petite pépite que l’ensemble de la distribution participe à rendre captivante : Michael Fassbinder (12 Years a Slave) et Cate Blanchett (Elizabeth) en tête.