Spécialiste reconnu de la surveillance audio, Harry Caul mène une existence solitaire et rigoureuse. Chargé d’enregistrer les échanges d’un couple dans les rues de San Francisco, il découvre à l’écoute des bandes que les deux amants pourraient être en danger. Hanté par ce qu’il entend, il refuse de livrer les enregistrements et plonge dans une enquête obsédante qui ébranle peu à peu ses certitudes…
En 1975, Francis Ford Coppola intégra un cercle très fermé de réalisateurs nommées deux fois dans la même catégorie : « Le Parrain 2 » et « Conversation Secrète ». Il reçu la statuette pour la suite de son chef d’œuvre et se contenta de la satisfaction d‘avoir reçu le prix Œcuménique (Un prix décerné par un jury extérieur à l’officiel et qui, en 1974 succéda à l’Office Catholique International du Cinéma) en 1974. Ce ne fut pas la seule récompense qu’il reçu à travers le monde, car « Conversation Secrète » est un petit bijou à bien des égards. D’abords parce que le scénario que Coppola a écrit en s’inspirant de ses différentes recherches autour de l’espionnage et notamment de sa passion pour es gens capable d’écouter en longue distance. Mais comme Coppola ne fait rien comme es autres, il ne va pas simplement parler de l’espionnage il va peindre l’histoire d’un homme dont le métier est d’écouter secrètement des personnes, mais qui se noie dans sa propre solitude, et dont le métier va le pousser dans les retranchements de la paranoïa inévitable qui découle de son activité dans laquelle il excelle.
Comme il l’avait fait avec « Le Parrain », Coppola, prend son temps et livre une œuvre sombre qui prend le public à contre-pied et sort presque du cadre de ce que nous pourrions imaginer d’un film d’espionnage pour nous offrir une image dans laquelle la psychologie du personnage est noyée dans des décors qui illustre cette solitude, comme cette magnifique scène où l’on voit Harry Caul déambuler dans une des pièces de son hangar, vide avec des colonnes qui donnent l’impression d’un labyrinthe, et où une femme tente de l’approcher, sans qu’elle n’arrive à le faire sortir de la torpeur dans laquelle il s’enfonce. Ou encore celle ou dans un mouvement de travelling, nous voyons Caul passer de l’inquiétude à l’obsession. Une scène qui donne un moment savoureux dans le making of à découvrir dans les bonus.
Et pour donner corps à son histoire, le réalisateur s’entoure d’acteurs qu’il connait bien. Il voulait Brando, mais celui-ci déclina l’offre et le réalisateur se tourna donc tout logiquement vers l’un des acteurs marquant de sa génération : Gene Hackman. L’acteur impressionne déjà depuis 10 avec des films devenus cultes : « Bonnie and Clyde » (1967) d’Arthur Penn, « The French Connection » (1971) de William Friedkin ou encore « Carnage » (1972) de Michael Ritchie, mais ici, il va passer un cap avec une composition toute en intériorité, avec très peu de dialogues et une présence presque magnétique où l’acteur révèle toute l’étendu de son talent, par un regard, un mouvement de tête ou une position générale de son corps. On y retrouve également des acteurs marquants de l’œuvre de Coppola, comme Harrison Ford (Indiana Jones) que le réalisateur avait déjà fait jouer dans « Apocalypse Now », mais surtout John Cazale, l’incroyable Fredo du « Parrain ». Même Robert Duvall (Apocalypse Now) vient passer la tête, dans une apparition marquante.
Comme souvent dans la carrière de Francis Ford Coppola, « Conversation secrète », ce n’est pas un film d’espionnage, c’est un long métrage qui tourne autour d’un homme noyé par son métier et qui se déroule sur fond d’espionnage. Le réalisateur s’intéresse plus au personnage, mais sait utiliser le contexte pour que l’ensemble brille par sa cohérence et son hypnotisme. Un film majeur dans la carrière de celui qui fut le mentor de bien des réalisateurs, à commencer par Georges Lucas (La Guerre des Etoiles).
La piste DTS-HD Master 5.1 en VO comme en VF, vient apporter un nouvel éclairage au film, et met particulièrement en valeur le travail de Walter Murch, qui fit un travail exceptionnel sur l’environnement sonore. Avec une précision redoutable, la répartition minutieuse met chaque élément de ce film en valeur, à commencer par l’environnement sonore qui gagne même, parfois en moments de grâce. Même chose que pour l’image le son fut retravaillé à partir d’une piste numérique et prend du coup de la hauteur pour mieux coller aux volontés du réalisateur qui supervisa la restauration du film. On regrettera quand même que la VF soit moins précise.
Disponibles sur les deux disques, la section bonus offre une véritable source d’informations intéressantes sur le film :
« Making-of « Gros plan sur Conversation secrète » », l’occasion rare de voir le réalisateur et son acteur principal au travail, y compris dans les moments de doutes. C’est assez rare de voir la relation de confiance et de doutes qui unit le metteur en scène et son comédien
« Entretien avec David Shire », le compositeur revient sur son travail de compositeur pour illustrer un film aussi complexe et hors des clous que « Conversation Secrète ».
« Entretien avec Gene Hackman », toujours aussi émouvant de voir l’acteur, qui nous a quitté en début d’année, dans une interview d’archive parler de son rôle et de son travail.
« Le San Francisco de Harry Caul – 1973 vs 2011 », un petit bonus amusant qui montre comment la ville a changé depuis 1973.
« No Cigar » : Un court-métrage de Francis Ford Coppola qui fait déjà preuve de sa grande maitrise de ses personnages.
« Francis Ford Coppola rencontre les étudiants de la Fémis » , un document passionnant où le réalisateur parle de ses expériences et de la manière dont il voit le cinéma.
« Lecture du scénario par Francis Ford Coppola avec retour sur des scènes inédites ou jamais tournées : « Scène d’ouverture » , « La vie d’Harry Caul », « La convention », « Fin au poste de police », « Présentation de Frank Lovista », « Jack Tar Hotel ». C’est assez rare de voir un réalisateur faire sa propre lecture de son scénario autre que dans la cadre de la préparation du tournage, mais c’est tout aussi captivant.
« Introduction du film par Francis Ford Coppola », le film est introduit par le réalisateur lui-même qui le recontextualise.
« Questions-réponses avec Walter Murch au Curzon Soho », Datant de 2017, à Londres, ce Master Class est passionnant et le Monteur du film ne boude pas son plaisir de pouvoir parler du film mais pas seulement.
Puis pour les amateurs : Les Commentaire audio de Francis Ford Coppola et de Walter Murch