Critique subjective réalisée par Julien Sabatier
Sunshine marque la troisième collaboration entre Danny Boyle et Alex Garland (après La plage et 28 jours plus tard) mais surtout la première incursion du réalisateur britannique dans le vaste univers de la science-fiction. Après s’être attaqué au zombie movie (un genre auquel il est parvenu à apporter du sang neuf), Boyle franchit une nouvelle étape dans une filmographie atypique qui, décidément, n’a pas fini de surprendre le cinéphile. Pari audacieux aussi que de monter un projet comme Sunshine, (soit un métrage appartement au versant « métaphysique » de la SF à l’écran) en cette ère où le blockbuster décérébré et tonitruant règne en maitre (on imagine assez bien la tête du spectateur venu visionner un nouvel Armageddon …). Un pari risqué donc (on ne pourra pas reprocher au tandem Boyle / Garland d’avoir choisi la facilité) mais presque entièrement gagné à l’arrivée.
Dans un futur pas si lointain, le soleil a commencé à s’éteindre, menaçant toute vie sur terre. Après l’échec d’une première mission, une équipe de scientifiques est chargée de convoyer une gigantesque bombe jusqu’à l’astre, ceci dans l’espoir de « relancer la machine ». Premier constat une fois le film amorcé, Sunshine est une œuvre sous influence(s). On y retrouve des références au mythe d’Icare (la nature de la mission), à 2001 L’odyssée de l’espace (l’intelligence artificielle de l’ordinateur de bord et surtout la portée réflexive du récit), à Silent running (la serre verdoyante semble sortir tout droit du film de Douglas Trumbull) mais aussi au Salaire de la peur (dangerosité de la cargaison). Voilà pour les filiations narratives et visuelles les plus évidentes. Cela étant, et ce n’est certainement pas le moindre de ses mérites, Sunshine parvient toujours à s’affranchir de la simple « citation » et assimile ses nombreuses influences en réussissant à trouver sa voie propre.
Les deux premiers tiers du métrage sont une indéniable réussite. Plaçant sa mise en scène en sourdine, Danny Boyle capitalise à fond sur un casting hétéroclite qui fonctionne (Cillian Murphy, Hiroyuki Sanada, Michelle Yeoh, Cliff Curtis), un script qui installe bien les personnages et des rapports humains crédibles. Moins démonstratif qu’à l’accoutumée, le réalisateur nous montre que l’aventure est avant tout intérieure. On ressent en effet l’isolement (la terre est à des dizaines de milliers de kilomètres), la pression (l’objectif de la mission est tout de même de sauver l’espèce humaine d’une mort programmée) et les états d’âme des protagonistes (pour certains, il s’agit d’une quête philosophique). La chaleur du soleil, le froid spatial, des réserves d’oxygène limitées, une énergie en quantité restreinte … les dangers ne manquent pas. Plus encore, tout changement de cap, même minime, revêt une importance cruciale et le poids de chaque décision s’avère majeur pour la suite des évènements. De tout cela ne cesse d’émerger le thème récurrent de Sunshine : la notion de sacrifice. Et le film de reposer sur cette idée de balance dans laquelle la vie de chaque membre d’équipage n’est rien comparée à l’enjeu de la mission ; la plupart des scientifiques embarqués en sont d’ailleurs totalement conscients. Survient bientôt le dernier acte. Au lieu d’aller encore plus avant dans l’exploration de ses passionnantes thématiques, Sunshine se met abruptement à verser dans l’horreur (l’ombre de slasher n’est pas loin). Un changement d’orientation assez radical qui se traduit à l’image par une mise en scène plus heurtée. Déplacé et maladroit, le rebondissement déçoit d’autant plus que ce qui avait été mis en place jusqu’alors se suffisait amplement à lui-même et avait de
quoi alimenter la durée restante.
Verdict
Au final, et malgré ce faux pas, Sunshine s’impose tout de même comme une réussite en son genre, une bonne initiative de SF intelligente qui en remontre à tous les Mission to mars et autres Event horizon.