Au XIXème siècle, dans l’Irlande en proie à de terribles difficultés économiques, une femme se fait passer pour un homme afin de pouvoir travailler. Pendant trente ans, elle trompe son entourage, employée dans un hôtel sous le nom d’Albert Nobbs en tant que majordome.
« Albert Nobbs » fait partie de ces rôles qui collent à la peux d’une comédienne sans jamais réellement s’en débarrasser, un rôle marquant par ses qualités tragiques ou par la complexité du jeu qu’il requiert de la part de l’artiste. Glenn Close a rencontré son personnage en 1982, pour une création théâtrale, le majordome ne la quittera plus. Un peu comme une obsession, elle le garda dans un coin de son esprit, prépara son adaptation au cinéma, avec la précision d’une orfèvre en attendant de trouver le réalisateur qui lui convienne. Elle lui faudra alors attendre près de vingt ans pour rencontrer Rodrigo Garcia qui la dirige dans le film "Ce que je sais d’elle".
Et le choix est judicieux, car le réalisateur est précis dans ses ambiances, méticuleux dans la position de ses caméras, il n’omet rien, redonne vie à un Dublin qui se perd dans la condescendance des uns et le mépris des autres. Un société qui entretient presque viscéralement l’ignorance de la détresse pour laisser parler la richesse des autres. Son «Albert Nobbs », Rodrigo Garcia le peint comme un être fragile, mais rêveur aussi, quelqu’un qui oublie son être physique pour devenir une sorte d’idéal sociétal. Une sorte de vie par procuration, économisant méticuleusement le moindre cents pour pouvoir s’offrir son rêve, y compris celui d’avoir une femme à ses côtés et d’ainsi se découvrir amoureux, fusionnel, un sentiment qu’il avait caché au fond de lui. Le réalisateur plante doucement sa caméra et redonne à l’atmosphère le craquant des parquets d’antan.
Pour cela il s’appuie bien évidemment sur l’interprétation quasi habitée de Glenn Close (Liaisons fatales), qui trouve là son plus grand rôle et qui lui donne toute la hauteur qu’il mérite. Seulement l’incroyable performance de la comédienne devient d’un seul coup le véritable point faible du film : aucun membre de la distribution ne parvient à être totalement à la hauteur du rôle principal, si ce n’est Janet McTeer (Nine Lives) qui livre une prestation particulièrement remarquable. Pour le reste c’est une grande déception, à commencer par Mia Wasikowska (Alice aux pays des merveilles) qui livre là l’une de ses compositions les plus ridicules et Aaron Johnson (Kick Ass) qui fait beaucoup dans le surjeu pour composer un Joe suffisamment irritant pour être détesté.
En conclusion, « Albert Nobbs » est une tragédie particulièrement bien réussit, dont la mise en scène méticuleuse de Roberto Garcia n’est pas sans rappeler le magistral « Vestige du jour » de James Ivory. Glenn Close est tout bonnement au sommet de son art, mais finit par tellement faire de l’ombre à ses co-listiers qu’ils en deviennent parfois ridicules.
Du côté de l’image, rien à dire ! Le contrat est remplie et bien remplie, avec des couleurs brillante et des contrastes qui donnent une bonne profondeur à l’ensemble. Avec parfois quelques bonnes surprises, notamment lors des scènes extérieures avec des niveaux de couleurs intéressants et une lumière parfaitement mise en valeur par le transfert sur le support Blu-ray.
Une piste DTS-HD Master Audio, qui tient ses promesses, les ambiances sont reconstruites avec beaucoup de brillance. Sans faire dans l‘excès (nous ne parlons d‘un film d‘action, non plus), la piste 5.1 fait des merveilles avec une belle spatialisation, une dynamique assez bien équilibrée et un surround assez discret pour ne pas se faire trop hors sujet.