Apres vingt
ans de travaux forcés pour avoir volé du pain, Jean Valjean est libéré sur
parole en 1812. Sa rencontre avec un évêque qui l'héberge puis l'innocente du
vol. Ce qu'il commet envers lui va lui révéler que le genre humain peut être
bon. Dix ans plus tard, il dirige, sous une fausse identité, une petite
fabrique dans la ville de Vigau dont il est devenu le maire. Apprécié de tous
pour sa bonté et sa justice, il vit paisiblement. Mais son passé ne tarde pas à
le rattraper sous les traits de l'inspecteur Javert, qui fut autrefois son geôlier.
« Les
misérables » est une œuvre magistrale de Victor Hugo qui inspira de
nombreux réalisateurs et metteur en scène. Avec plus ou moins de bonheur, les
adaptations se succèdent et ne se ressemble quasiment pas. Tom Hooper, le
dernier en date vient d’adapter la version comédie musicale avec plus ou moins
de réussite (lien critique), en France ce fut Claude Lelouch qui s’y brisa les
dents avec une version assez inégale et fort male inspirée de l’œuvre de
l’écrivain français. Celle qui nous intéresse à présent est l’avant dernière en
date, puisqu’elle fut réalisée en 1998 par Bille August (Goodbye Bafana). Le réalisateur
Danois, s’offre une distribution remarquable : Liam Neeson (La liste de Schindler),
Geoffrey Rush (Le discours d’un roi) et Uma Thurman (Kill Bill).
Seulement
voilà, le réalisateur a décidé de prendre des libertés sur l’œuvre de Victor
Hugo, et de s’intéresser au duel entre Valjean et Javert. Rien à redire de ce côté-là,
si ce n’est une peinture grotesque et maladroite des personnages. Le
réalisateur donne un aspect malsain, et libère de toute nuance chacun des
personnages. Javert devient sous la plume de Rafael Yglesias (La jeune fille et
la mort) qui en signe l’adaptation, un être abjecte et sadique qui prend un
certain plaisir à voir les hommes souffrir. Comme lors de l’arrestation de
Fantine. Encore une fois les raccourcis sont maladroits et les moments capitaux
du roman sont abandonnés au profit d’une narration spectaculaire qui biaise la
profondeur d’origine des personnages. Car Javert n’est pas remarquable par son
sadisme, bien sûr que non, Hugo en faisait un homme droit et rigide, enfermé
dans les règles de sa fonction jusqu’à l’obsession. Comme il le dit lui-même : « Un
voleur restera un voleur toute sa vie », il poursuit Valjean, non par
plaisir, mais parce qu’il n’a pas obéit aux règles de sa justice.
Quant à
Valjean, ce n’est pas un simple criminel, c’est un homme rongé en permanence
par les remords d’avoir trahit sa promesse à l’évêque, en volant la pièce d’un
petit ramoneur (Passage oublié dans les dernières adaptation, alors qu'il est le fondement de la renaissance de Valjean). Pièce qu’il gardera comme une relique, l’unique témoignage de
ses fautes passées. Un remord qui prendra tout son sens lors de la mort de
Fantine, dont il se sent profondément coupable. Javert et Valjean ne sont
finalement pas si éloigné l’un de l’autre, ils s’opposent par un sens inouïe du
devoir qui les pousses à s’infliger les pires souffrances psychologiques. Et
Bille August est passé totalement à côté de cela, il fait des « Misérables »
une sorte de chasse humaine entre un policier sadique et sa proie.
D’ailleurs la
composition de Liam Neeson est à l’image de ce ratage. Insignifiant,
transparent. On ne tremble pas pour lui, on ne parvient pas à ressentir la
moindre émotion pour son personnage. L’acteur est livide du début à la fin,
il parait même s’ennuyer ferme parfois. Quant à Geoffrey Rush le désastre est
encore plus grand, puisqu’il donne à Javert des intonations sadiques presque
perverses, totalement hors sujet. Et pour finir dans ce désastre, le choix d’Uma
Thurman dans le rôle de Fantine est certainement le pire du réalisateur. La
comédienne est complètement à côté de « la plaque », avec un sur jeux
quasiment indécent. Cela en devient même gênant, tant elle ne semble pas avoir
la capacité de susciter la moindre émotion, dans le rôle de cette fille perdue
par l’absurdité de son époque, trahit par l’amour, et errant comme une âme en
peine dans les rues d’un monde qui ne lui laisse aucun répit. Une femme
fragile, qui n’a d’obsession que la vie de son enfant, au point de faire de son
être, unique trésor en sa possession, la source de ses revenus.
En
conclusion, « Les misérables » de Bille August est une adaptation
ridicule de l’œuvre de Victor Hugo. Le réalisateur est totalement passé à côté
de son sujet en voulant donner une vision Hollywoodienne et simpliste d’une œuvre
incroyablement profonde dans laquelle les personnages sont enfermés dans des
paradoxes où se mêlent l’orgueil, la fierté, mais aussi les maux d’une société
qui se perd dans la fange de ses ambiguïtés. L’interprétation est hésitante et
parfois inexistante.