Les Misérables

par: Emmanuel Galais

Dans la France du 19e siècle, une histoire poignante de rêves brisés, d'amour malheureux, de passion, de sacrifice et de rédemption : l'affirmation intemporelle de la force inépuisable de l'âme humaine. Quand Jean Valjean promet à Fantine de sauver sa fille Cosette du destin tragique dont elle est elle-même victime, la vie du forçat et de la gamine va en être changée à tout jamais.

Il y a trente ans lorsque Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg décidèrent d’adapter l’œuvre magnifique et complexe de Victor Hugo : « Les Misérables », personne n’y croyait. Et pourtant leur création associée à la mise en scène de Robert Hossein, fut au-delà de ce que tout le monde pouvait imaginer. Et paradoxalement, l’adaptation de ce chef d’œuvre français ne connut réellement le succès qu’avec son adaptation anglaise. Depuis 30 ans la comédie musicale fait les grandes heures des planches de Broadway et de Londres. Seulement ce qui fonctionne sur scène, ne se transforme systématiquement pas en succès au cinéma !

Et même si Tobe Hooper soigne sa mise en scène, avec une ouverture surprenante et inspirée, son adaptation se perd dans un découpage logique sur scène, mais insupportable en film. Si les choix scénaristiques, comme celui d’abandonner le passage du petit ramoneur (passage clé du film, où Jean Valjean prend conscience qu’il ne suit pas le bon chemin), pas assez visuel scéniquement, son absence sur grand écran provoque une cassure surprenante et donne au film, des allures de résumé bâclé. Tout comme la transition entre la fin des barricades et la révélation de Jean Valjean à Marius, l’ensemble parait avoir été coupé à la serpette, et laisse le spectateur sur sa fin. L’ œuvre de Boublil et Schönberg perd à l’écran ce qu’elle gagnait sur scène. L’image tragique d’une société qui se meurt pour renaitre de ses cendres, avec des envolées lyriques qui transpercent le cœur d’une émotion magistrale devient d’un seul coup bien fade, par une adaptation trop fidèle de ce succès scénique, seulement le réalisateur en a oublié du coup une cohérence scénaristique qui aurait pu être comblée par des dialogues.

Le réalisateur se laisse porter par la musique, la met en scène avec un lyrisme tragique, peut-être trop appuyé, au point que les personnages s’en retrouve subitement bien effacés, à l’image du couple Thénardier, qui perd sa folie scénaristique, au profit d’un couple sordide (certes ils le sont dans le roman) mais la musique les rendait plus colorés, plus nuancés et apportait une sorte de fraicheur cynique, au point de déclencher certains rires dans la salle lors de leur duo de présentation. Dans le film, la scène est presque ennuyeuse, et Sacha Baron Cohen (Borat) semble avoir apprit une mauvais nouvelle pendant le tournage (l’échec commercial de sa dernière réalisation ?). Quand à Hugh Jackman (X-Men), son talent est indéniable, mais sa voix aigue par rapport aux précédents interprètes du rôle sur scène surprend, et fait presque regretter que les rôles ne soient pas inverser avec Russell Crowe (Gladiator), certes, pas forcément bon chanteur, mais avec un physique plus proche de l’image que l’on se fait de Jean Valjean. A noter tout de même les prestations impeccable et remarquable d’Anna Hatthaway (Le diable s'habille en Prada) en Fantine et Eddie Redmayne (My Week with Marilyn) en Marius. Pour les amateurs de la comédie musicale, on pourra noter la présence de Colm Wilkinson dans le rôle de l’évêque, et qui n’est autre que celui qui a créé le rôle Jean Valjean dans la première version anglaise sur scène.

En conclusion, « Les misérables » de Tom Hooper, n’est absolument pas un mauvais film, la mise en scène est soignée, fidèle au spectacle, donne une autre vision de l’œuvre musicale de Boublil et Schönberg très sombre, moins colorées. Mais le transfert de l’adaptation scénique de l’œuvre de Victor Hugo, perd en volume et en intérêt dans son passage sur grand écran, notamment par des raccourcis incompréhensibles à l’écran, les chants par les obligations de la mise en scène perdent en lyrisme, à l‘instar de la chanson des Thénardiers, ou encore celle d‘ouverture. Certaines chansons sont même tout juste reconnaissable comme la chanson de Gavroche : « je suis tombé par terre». L’ensemble parait monté à la serpette, et le spectateur ne peut cacher un sentiment de frustration. Pour un peu que vous ayez lu le livre et vu les différentes adaptations au cinéma et à la télé et que vous ayez apprécié à sa juste valeur la comédie musicale française et anglo-saxonne, le plaisir est gâchée et finalement regrettable.