La vie de la séduisante Claire Kubik (Ashley Judd) est un exemple de réussite tant extérieur (avocate tellement exceptionnelle que la promo n’est pas loin) qu’intérieur (dans sa propriété de San Francisco, elle prend le temps de se papouiller et se reproduire avec son époux, le très manuel Tom (Jim Caviezel)). Imaginez le choc de la voir chamboulée par l'arrestation musclée de Tom pour motif de Crime de Guerre !
De ses petits poings rageurs et sa grande expérience professionnelle, elle va tout tenter pour défendre son ancien US Marine de mari face à une cour martiale militaire aux procédures bien différentes.
Heureusement que la dure lutte de Claire sera assistée du jeune juriste désigné d’office le Lieutenant Terrence Embry (Adam Scott) et surtout l’expérimenté Grimes (Morgan Freeman).
JUSTE CAUSE D’UNE FEMME EN COLÈRE
Malgré la grosse parenthèse du "renouveau" des nineties initiée par Se7en, le polar à suspens à toujours eu sa place sur grand écran / télévision car il y a toujours du monde pour frémir et espérer que la recherche de la Vérité (jonchée d’obstacles) d’un concitoyen fictif finisse par faire éclater de grandes révélations / machinations.
Appartenant à cette catégorie et avec comme base l’épouse qui défend son innocent compagnon, Crimes & Pouvoirs en utilise au plus carré tous les ingrédients : la petite existence qui bascule, le combat dans un monde inconnu, l'apprentissage des règles, du témoin oculaire duraille à dénicher, du mystérieux personnage qui intimide les trop fouineurs, du Grand de Ce Monde qui pointe l’index en conseillant au(x) héros de rentrer chez lui tout oublier parce qu’elle/il ignore où elle/il met les pieds, …
Un gros tiers est une enquête à laquelle on ajoute le facteur Tribunal ... mais sur ce point n’en attendez pas de frissonnantes plaidoiries façon Philadelphia ou même Ally McBeal : ici elles sont solennelles, confidentielles et incroyablement courtes pour ce que c’est.
La juridiction d’exception militaire (américaine) et ses spécificités sont des points didactiques des plus plaisants. On entrera dans la petite valse du jargon abscons aux principes toujours finement vulgarisés pour finir par une remise en cause de son système et ses procédures parfois contestables (distance encore plus appréciable pour qui a des affinités avec le droit pénal).
Les défenses en béton sont le fruit de beaucoup de temps passé à investiguer. Ce sera très actif mais face à une défense inflexible, nos amis devront obtenir preuves et aveux via des méthodes pas toujours réglos (encore moins théoriquement recevables).
A part essayer de filer les grosses chocottes avec un 1/3 d'angoisse qui tablera sur votre capacité à vous alarmer d’un rien, il sera proposé un twist final qui a quelque chose de dérangeant (à la fois facile et terriblement secondaire) mais rappelle l'aspect si particulier de la profession. A apprécier à sa juste valeur bien qu’il y avait sincèrement matière à habilement jouer dessus autrement que l’amener de manière aussi gratuite … et mettre en évidence une certaine distance qui se profilait depuis un moment. Était-ce voulu ?
Chaque séquences de Crimes et Pouvoir est fonctionnelle, Carl Franklin assurant un lot de choix / effets de mise en scène efficaces mais pépères, sans coups d’éclat particuliers pour un résultat qui ressemble un peu au pilote deluxe de série TV.
Misant avant tout sur son script (les scènes d’action comptent un accrochage et quelques bagarres), le faire exister nécessite des acteurs à la hauteur : entre les militaires de carrière et les civils, les personnages secondaires sont au choix pas assez mis en valeur sur la durée ou un peu transparents mais ce n’est pas leur profondeur globale qui les étouffe (malgré Amanda Peet (Mon voisin le tueur 1&2, 2012), Adam Scott (En Cloque - Mode d'emploi, Piranha 3D) et Jim Caviezel (La Ligne Rouge, la Passion du Christ) qui donnent de leur mieux).
On touche à un dernier tiers à tendance dramatique : au-delà d’une relation très rapidement esquissée avec sa sœur Jackie (Amanda Peet) en guise de reflet moins glorieux, le rapport Claire / Tom promet une intempérance de bons sentiments … au début : au fil de l’avancée de l’affaire, on laissera Monsieur en cabane taper rageusement contre les murs en attente de libération tandis que Madame se rapproche de ses collaborateurs. Tous trouveront un réconfort : Jackie avec Terrence mais surtout Claire avec Grimes !
Voici l’arme secrète, la raison de tenir High Crimes debout et le spectateur éveillé ! La jeune avocate frêle et le vieil expert passablement alcoolique développent un lien amical père / fille (que quelques tordus pourront interpréter autrement) qui affiche un évident plaisir qu’on eu Ashley Judd et Morgan Freeman à se redonner la réplique 5 ans après Le Collectionneur. Leur affection est suffisamment palpable pour que ce sentiment soit partagé par tous.
A l’instar de Double Jeu (1999), Ashley Judd (Heat, Bug, La Chute de la Maison Blanche) se retrouve en terrain connu dans la peau de la déterminée de service qui l’emportera sur sa fragilité. Sérieuse et concernée, elle plaira autant à la ménagère éprise de justice que ces messieurs pouvant éprouver un faible pour son petit minois.
Tel Michael Caine ou Meryl Streep, il suffit que Morgan Freeman (Invictus, Oblivion, Wanted) apparaisse dans quelques scènes d’une production même très moyenne pour que la magie de son charisme fasse ne pas être venu pour des prunes. En mode «tranquille, je gère», il est excellent dans son rôle et apporte autant de décalage que de crédibilité pour conduire les meilleures scènes.
A eux deux, la soupe passe plus facilement.
CONCLUSION :
Fidélité absolue ou relative du roman dont il est tiré, Crimes & Pouvoirs est le traditionnel thriller calibré avec rebondissements, soupçons et moments de tensions d’usage. Ne transcendant pas la moyenne du genre mais assurant de bons instants, il ne se revoit pas pour une analyse de mise en scène ou une quelconque stimulation de matière grise mais, à la rigueur, pour l'appréciation du jeu de quelques acteurs principaux assez convaincants pour ce que c’est.
Il trouvera son public (si ce dernier, en matière d’investigation n'est vraiment, mais alors vraiment pas difficile) et il peut dire un grand merci au non moins grand Morgan pour être une des raisons qui ne le fasse pas totalement sombrer dans la nuit de l’oubli du spectateur … mais également la contribution d'Ashley Judd qui fait suffisamment d'efforts. Vous pourrez par ailleurs la revoir 2 ans plus tard dans le policier de Philipp Kaufmann (Instincts Meurtriers) avec lequel ce film partage quelques similitudes.