L’histoire de MARIUS se déroule sur le Vieux-Port de Marseille, dans le Bar de la Marine tenu par César et son fils Marius. Marius ne rêve que d’embarquer sur un des bateaux qui passent devant le bar et prendre le large vers les pays lointains. Fanny, jeune et jolie marchande de coquillages sur le devant du bar, aime secrètement Marius depuis l’enfance ; Marius, sans l’avouer, a toujours aimé Fanny. Pour retenir Marius, pressenti pour un engagement sur un navire d’exploration, Fanny lui dévoile son amour pour lui et parvient à attiser sa jalousie en provoquant une vive dispute entre Marius et un vieil ami de César, le maître-voilier Panisse, qui, beaucoup plus âgé, courtise Fanny. Partagé entre l’appel de la mer et son amour pour Fanny, Marius renonce à son projet et finit par s’unir à Fanny qui s’offre à lui. Mais, alors que César et Honorine, la mère de Fanny, sont prêts à les marier, Marius est repris par sa folie de la mer. Poussé par Fanny qui se sacrifie par amour pour Marius, ce dernier monte à bord du navire qui part, abandonnant Fanny bouleversée, qui retient ses larmes et cache à César le départ de son fils.
Il y a des textes, des histoires et surtout des interprétations qui passe à travers le temps et dont on se dit surtout qu’elles seront irremplaçables. C’est évidemment le cas de la trilogie de Marcel Pagnol : « Marius, Fanny et César » dont la mélodie du texte et la sensibilité forte de l’histoire est intimement liée à la personnalité de Raimu, surtout, mais également de Pierre Fresnay et d’Orane Demazis. Si les deux derniers manquent parfois de nuance dans leur jeu, indéniablement, le rôle de César est charnellement associé au charisme de Raimu. Et c’est bien là toute la difficulté de Daniel Auteuil, parvenir à faire oublier le comédien qui avait littéralement personnifié son personnage en 1931.
Et le premier constat, est redoutablement décevant, car le réalisateur, si l’on sent la passion du texte, ne parvient pas à égaler, son prédécesseur, voir-même, si l’on accepte l’idée de ne pas faire de mimétisme, s’en éloigne radicalement, et ne trouve jamais la bonne tonalité pour donner un contrepoids au personnage, y compris dans les colères si célèbre de César ou dans ces immenses excès de mauvaise foi. Si Daniel Auteuil avait réussi à trouver l’émotion juste dans son interprétation du puisatier dans son précédent film. Ici on sent que le texte et le charisme de l’œuvre sont un frein à la réussite du film. Et puis alors, surtout pourquoi avoir pris des comédiens parisiens pour faire chanter l’accent de Marseille. N’y a-t-il donc aucun talent dans la cité Phocéenne pour (re)donner vie à l’œuvre de Pagnol. Le film de l’auteur en 1931, reposait justement sur la personnalité de comédiens imprégnés par le cœur de la ville, par cette chanson permanente d’une cité qui vit de ses colères, de ses rires également qui se mêlent aux chants des cigales (du moins à l’époque de Pagnol !!!).
Et la mise en scène d’ailleurs du réalisateur/comédien souffre terriblement de ce manque de rupture réelle avec l’œuvre originale, comme si Auteuil avait peur de se prendre les pieds dans le tapis. Du coup on se retrouve avec un film esthétiquement soigné, avec tous les codes du Sud à chaque coin de l’image, et le recours aux plans fixe sur les visages des comédiens lors des longs monologues laissant transpirer la détresse ou le mal-être des personnages. Un recours un peu trop appuyé systématiquement qui donne l’effet inverse de celui visé. Le spectateur s’inquiète plus du picotement dans les yeux que doit ressentir Raphaël Personnaz, à force de rester les yeux grands ouverts comme il le fait lors de ses tirades.
Mais Daniel Auteuil, aime l’œuvre de Pagnol et s’il garde toujours un certain respect pour le texte, il se permet tout au long du film de reconstituer la Marseille du début du siècle dernier, avec une image soignée, des plans travaillés et une lumière magnifiquement chaude. Gardant un certain dynamisme, il parvient à donner une nouvelle vie à la cultisme « Partie de Carte » ou au dialogue entre Escartefigue et César qui finit par le magnifique : « la Marine française, elle te dit Merde ! »
En conclusion, Daniel Auteuil s’est lancé comme défi de faire revivre la trilogie de Pagnol avec comme leitmotive de ne pas faire dans l’imitation, mais le réalisateur commet une faute incompréhensible : « Celle de n’utiliser que des comédiens parisiens », loin d’être imprégnés par l’esprit de cette ville du sud du début du siècle dernier, les acteurs forcent leur accent et se mettent trop en distance pour que l’ensemble soit cohérent. Pour finir le réalisateur a recours un peu trop souvent aux plans fixes sur le visage de ses interprètes lors des monologues qui rend l’œuvre, au final, un peu trop larmoyante