Fanny, amoureuse et abandonnée, apprend qu’elle attend un enfant de Marius. Elle se retrouve en position dramatique de mère-fille, incapable d’assurer son propre avenir et celui de son enfant. Elle accepte alors, avec l’approbation de sa mère et du grand-père de son enfant, César, de se marier avec un commerçant prospère du Vieux-Port, Honoré Panisse ; celui-ci est âgé de trente ans de plus qu’elle. Il reconnaît son enfant et l’élève comme le sien ; Panisse leur apporte une prospérité certaine, une honorabilité sociale retrouvée et un avenir confortable. Quelques mois après le mariage et la naissance du bébé, Marius, prenant conscience de son amour pour Fanny durant son voyage lointain, mais qui n’a pas de situation sérieuse, revient et cherche à reconquérir Fanny, toujours amoureuse de lui et à reprendre son enfant.
Il y a des textes, des histoires et surtout des interprétations qui passe à travers le temps et dont on se dit surtout qu’elles seront irremplaçables. C’est évidemment le cas de la trilogie de Marcel Pagnol : « Marius, Fanny et César » dont la mélodie du texte et la sensibilité forte de l’histoire est intimement liée à la personnalité de Raimu, surtout, mais également de Pierre Fresnay et d’Orane Demazis. Si les deux derniers manquent parfois de nuance dans leur jeu, indéniablement, le rôle de César est charnellement associé au charisme de Raimu. Et c’est bien là toute la difficulté de Daniel Auteuil, parvenir à faire oublier le comédien qui avait littéralement personnifié son personnage en 1931.
Et le premier constat, est redoutablement décevant, car le réalisateur, si l’on sent la passion du texte, ne parvient pas à égaler, son prédécesseur, voir-même, si l’on accepte l’idée de ne pas faire de mimétisme, s’en éloigne radicalement, et ne trouve jamais la bonne tonalité pour donner un contrepoids au personnage, y compris dans les colères si célèbre de César ou dans ces immenses moments de mauvaise foi. Si Daniel Auteuil avait réussi à trouver l’émotion juste dans son interprétation du puisatier dans son précédent film. Ici on sent que le texte et le charisme de l’œuvre sont un frein à la réussite du film. Et puis alors, surtout pourquoi avoir pris des comédiens parisiens pour faire chanter l’accent de Marseille. N’y a-t-il donc aucun talent dans la cité Phocéenne pour (re)donner vie à l’œuvre de Pagnol. Le film de l’auteur en 1931, reposait justement sur la personnalité de comédiens imprégnés par le cœur de la ville, par cette chanson permanente d’une cité qui vit de ses colères, de ses rires également qui se mêlent aux chants des cigales (du moins à l’époque de Pagnol !!!).
Et la mise en scène d’ailleurs du réalisateur/comédien souffre terriblement de ce manque de rupture réelle avec l’œuvre originale, comme si Auteuil avait peur de se prendre les pieds dans le tapis. Du coup on se retrouve avec un film esthétiquement soigné, avec tous les codes du Sud à chaque coin de l’image, et le recours aux plans fixe sur les visages des comédiens lors des longs monologues laissant transpirer la détresse ou le mal-être des personnages. Un recours un peu trop appuyé systématiquement qui donne l’effet inverse de celui visé. Et ce deuxième volume n’échappe pas à la règle, pourtant la jeune comédienne Victoire Belezy apparait magnifique de fragilité et de détermination (ce qui manquait d’ailleurs peut-être à Orane Demazis, qui incarna Fanny en 1931) dans ce rôle sublime où la fierté et l’honneur sont primordiales dans une existence. Même Raphaël Personnaz, qui semblait un peu écrasé par le rôle, se découvre un peu plus sombre et redoutable.
Mais Daniel Auteuil, aime l’œuvre de Pagnol et s’il garde toujours un certain respect pour le texte, il se permet tout au long du film de reconstituer la Marseille du début du siècle dernier, avec une image soignée, des plans travaillés et une lumière magnifiquement chaude. Gardant un certain dynamisme, il parvient à donner une nouvelle vie à cette remarquable où les personnages de Pagnol apparaissent avec toutes leurs fêlures, à l’image de Panisse souffrant de ne pas avoir d’enfant, ou encore César mêlant sa fierté et sa tristesse de ne pas voir son fils.
En conclusion, Daniel Auteuil s’est lancé comme défi de faire revivre la trilogie de Pagnol avec comme leitmotive de ne pas faire dans l’imitation, mais le réalisateur commet une faute incompréhensible : « Celle de n’utiliser que des comédiens parisiens », loin d’être imprégnés par l’esprit de cette ville du sud du début du siècle dernier, les acteurs forcent leur accent et se mettent trop en distance pour que l’ensemble soit cohérent. Pour finir le réalisateur a recours un peu trop souvent aux plans fixes sur le visage de ses interprètes lors des monologues qui rend l’œuvre, au final, un peu trop larmoyante.