En 1923, dans la province de Shinshu, une veuve travaillant dans une fabrique de soie décide d'envoyer son fils unique à Tokyo afin qu'il puisse acquérir une meilleure éducation. Treize ans plus tard elle se décide enfin à lui rendre visite et réalise qu'il ne mène pas la vie qu'elle a rêvée pour lui.
Tout a déjà été dit sur le cinéma de Yasujiro Ozu et particulièrement sur la beauté de ses films, sur la poésie qui les accompagnent, mais surtout sur la peinture parfois rude d’une société Nipponne qui cherche à tout prix l’excellence et peut par la même occasion perdre de son humanité. Dans ce film, symbolique en bien des points pour son auteur, notamment parce qu’il est son premier film parlant, il nous décrit une société où l’ambition est maîtresse, une société dans laquelle une mère exile son enfant à Tokyo en espérant le voir acquérir les connaissances nécessaires pour faire de lui ce qu’il y a de mieux. Mais lorsque le résultat n’est pas à la hauteur des ambitions rêvées, la douleur est aussi violente qu’une blessure.
Et ce qui est grandiose dans le cinéma de Yasujiro Ozu c’est aussi sa capacité de faire du beau avec ce qui peut être laid. Ici la mère parait déterminée à assumer les fonctions du père, majoritairement l’autorité absolue dans la société nipponne de ce début de 20ème siècle. Une ambition qui se trouve contrariée par les objectifs du fils et qui devient une blessure dés lors que l’amour maternelle s’en retrouve contrarié. Le réalisateur, cisaille sa trame lui donne une forme proche des romans de Zola, limite les dialogues pour ne pas sombrer dans la caricature et laisse les images parler d’elles mêmes.
D’ailleurs la mise en scène d’Ozu est minutieuse, la lumière parfaitement dosée pour mieux fait ressortir, les zones d’ombres de son récit et sa direction d’acteur pousse à la minutie, fait fi de la moindre caricature grotesque pour mieux s’arrêter sur les peintures des personnages et de leurs sentiments. Comme un peintre réaliste, le réalisateur s’attache à démontrer les douleurs internes et à les opposer aux codes de la société japonaise de l’époque pour mieux la mettre devant ses paradoxes. Le rôle de la mère n’est d’ailleurs pas choisi au hasard, bien loin de là, il permet au contraire de mieux appuyer sur les ambiguïtés de son sujet.
La distribution est d’ailleurs magnifiquement en retenue, comme pour mieux donner à l’histoire un enracinement dans son époque. Le jeune Masao Hayama présente un redoutable talent dramatique qui lui fait soutenir toute la première partie du film, quand à la belle Choko Iida elle parvient avec beaucoup de simplicité et de talent à nous rendre cette femme , à la fois repoussante et pourtant si attachante.
En conclusion, « Le fils Unique » est un des premiers chefs d‘œuvre de Yasujiro Ozu, dans lequel il nous dépeint avec beaucoup de talent et de poésie, l’histoire d’une mère prisonnière des habitudes de son pays.