Elle est belle, elle est catholique, elle est la soeur du roi, elle s'appelle Marguerite de Valois. Son frère l'a surnommée Margot. Henri de Navarre est protestant, on dit qu'il est mal élevé, mal rasé, qu'il sent l'ail et la sueur. On les marie de force. C'est une manoeuvre politique : il faut réconcilier les Français déchirés par les guerres de religion. Six jours après le mariage célébré à Notre-Dame, ce sera la nuit de la Saint-Barthélemy. Au milieu de cette nuit d'horreur un jeune homme percé de coups d'épée frappe désespérément à la porte de Margot. La Môle est protestant, il doit mourir comme les autres. Mais Margot le cache, le soigne et se met à l'aimer. Cette nuit-là tout bascule.
Avec « La reine Margot », Patrice Chereau s’est toujours défendu d’avoir voulu faire un film à véracité historique irréprochable. Ce qui l’nterressait le plus dans l’œuvre de Dumas, c’était ce rapport qui existait entre tous les personnages, la force de caractère de cette femme, soumise par une société patriarcale, sacrifié à l’hôtel de la paix, pour une impossible stabilité dans le pays. Une femme qui va finalement épouser la cause et se jeter corps et âmes pour ce pays, qui ne lui laisse pourtant pas le loisirs d’aimer comme elle le voudrait. Il y a dans « La Reine Margot » tout ce qui a fait la tragédie classique qui inspira tant le théâtre. On y trouve du Andromaque, du Phèdre, même du Hamlet dans un certain sens. Tous les personnages, quelque soit leur rang, leur lignée ou leur sexe, sont écorchés vifs dans une société en pleine mutation qui verra enfin naître le pays de France.
En metteur en scène méticuleux et précis dans ses choix, Patrice Chéreau, signe avec « La reine Margot », certainement l’une de ses œuvres les plus aboutis, peut-être même Le Chef d’œuvre de sa vie. Il mélange toutes les nuances de cette tragédie, signe une partition particulièrement virtuose avec des déplacements de caméra, et des positionnement tout simplement remarquable, à l’image de la scène d’ouverture, où l’on assiste béat au mariage de la Margot et de Henri de Navarre, comme si nous étions face à une toile gigantesque dans la galerie du musée du Louvres. Les lumières y sont infiniment bien dosées pour donner un teint blafard et mélancolique à son actrice, tout en laissant les couleurs d’apparats d’un tel événement de l’époque nous sauter au visage. Ensuite, dans sa mise en scène, le réalisateur s’écarte du classicisme du genre et se permet un style plus contemporains, pour ainsi casser les habitudes de ce film et inscrire son film, non pas dans les grandes fresques historiques aux reconstructions précises, mais plutôt pour laisser toute la tragédie prendre son sens.
Pour cela, le réalisateur s’appuie bien évidemment sur un scénario impeccable, taillé sur mesure pour des acteurs inspirés. Chaque réplique est ciselée au plus juste, le découpage est minutieux et de grandes tirades viennent rappeler sans aucune hésitation celle des œuvres de la scène classique. Les comédiens s’en emparent et sous la direction du metteur en scène en sortent le meilleur. Isabelle Adjani est tout simplement magnifique, remarquable dans bien des points d’une beauté incroyable, particulièrement lors de première apparition avec cette lumière blanche qui lui affadie le visage et laisse toute la force de son regard envoûter l’assistance. Ajoutez à cela la beauté des costumes signés Moidel Bickel et vous comprendrez l’attraction magnifique que produit sur nous cette comédienne.
Mais du côté des hommes, le talent n’est pas en reste, et Jean-Hugues Anglade (Braquo) signe là certainement l’une de ses plus belles prestations. Toute la folie, la dualité permanente et intérieure de ce roi écrasé par la fonction, meurtrit certainement par sa folie et le remords insatiable d’avoir été celui qui ordonna sous la pression de sa mère et de ses conseillers le massacre de la St Barthélémy, cette folie meurtrière qui ensanglanta les rues de Paris et qui rendit le cour de la seine salit de rouge.
Nous l’aurons bien compris « La reine Margot » est une œuvre majeure du cinéma Français. Tout le talent du regretté metteur en scène Patrice Chéreau apparaît au grand jour. Il signe là sa plus belle œuvre et la beauté des costumes, la qualité de la photo associés au talent des acteurs en font un film à voir et revoir absolument.