Garnett, ancien membre d’un gang du Nouveau Mexique vient de passer 18 ans en prison pour meurtre. Avec l’aide d’Emily Smith, agent de probation chargée de sa mise à l’épreuve, il tente de se réinsérer et de reprendre une vie normale. Mais Garnett est vite rattrapé par son passé. Le Sherif Bill Agati veut lui faire payer très cher la mort de son adjoint.
Avec « Indigènes », le réalisateur Rachid Bouchareb nous avait prouvé qu’il fallait d’ores et déjà compter sur lui dans l’univers cinématographique. Avec « Hors-la-loi », il semblait prompt à s’enfermer dans un style unique, celui qui consiste à faire renaître les vieilles blessures. Mais le scénario manquait de précision et de profondeur pour réellement embraser les opinions. Par contre ce dernier film montrait une envie certaine du cinéaste d’explorer d’autres horizons et notamment des styles différents de cinéma. Avec « le voie de l’ennemi », le réalisateur s’inspire d’un polar brillant de José Giovanni : « Deux hommes dans la ville », magnifique plaidoyer contre la peine de mort, pour en faire une peinture d’une société qui ne parvient plus à pardonner et qui refuse définitivement la différence. On y retrouve les grands thèmes du réalisateur, et notamment la place de la religion, l’islam pour être précis, dans les préjugés. Une méconnaissance qui appelle souvent à la haine et au rejet, alors qu’elle peut également être une religion de paix.
Dans « la voie de l’ennemi », on comprend très rapidement que le réalisateur a décidé d’être au plus près de ses personnages, qu’il veut que l’on comprenne à quel point la persécution amène à la folie, et comme un homme même s’il trouve tout le soutien dans sa religion, peut perdre pied dès lors qu’il est constamment, humilié, persécuté pour des faits qu’il ne parvient déjà pas lui-même à se pardonner. On peut y voir plein de chose dans ce scénario, les tensions actuelles dans les pays du Maghreb et du Moyen Orient, une satire de notre société actuelle, une volonté de prouver, comme si cela était nécessaire, que l’islam n’a rien à voir avec l’horreur affichée dans les médias, que c’est avant tout une religion de paix, de rassemblement et d’entraide.
A travers des personnages magnifiquement interprétés par Forest Whitaker (Good morning Vietnam), notamment, qui transcende son rôle par une composition absolument remarquable de précision, de douceur et de violence en même temps, face à un Harvey Keitel (Reservoir Dogs) tout en brutalité et en noirceur, Rachid Bouchareb, signe là une œuvre tenace, qui captive son auditoire pour ne plus le lâcher. Avec des plans soignés qui ne sont pas sans rappeler le travail de David Lynch (Sailor et Lula) ou encore de Gus Van Sandt (Gerry), « La voie de l’ennemi » vous transporte dans un univers large, et pourtant tout aussi oppressant.