Selma retrace la lutte historique du Dr Martin Luther King pour garantir le droit de vote à tous les citoyens. Une dangereuse et terrifiante campagne qui s’est achevée par une longue marche, depuis la ville de Selma jusqu’à celle de Montgomery, en Alabama, et qui a conduit le président Jonhson à signer la loi sur le droit de vote en 1965.
Un biopic sur Martin Luther King, le pasteur qui s’est battu pour le droit de la population noire aux Etats-Unis dans les années 50-60 et qui fut assassiné en 1968, était forcément attendu au tournant. Ce n’était évidemment pas la première fois qu’Hollywood s’intéressait au Pasteur d’Atlanta, mais aucune ne resta dans les mémoires. Jusqu’à ce jour bénit, où des producteurs engagés (Oprah Winfrey et Brad Pitt) mirent toute leur force dans la bataille et confièrent la lourde tâche à la réalisatrice Ava DuVernay (Middle of Nowhere) pas particulièrement connue par nos lointaines contrées d’adapter le scénario de Paul Webb, qui eut l’intelligence de parler du Pasteur par un angle narratif symbolique de son combat sans sombrer dans les classiques du genre (« I Had a dream » ou « La vie la mort de… »).
L’angle narratif choisi par le scénariste est de parler d’un fait marquant dans le combat du Pasteur : Le droit de vote des noirs aux Etats-Unis. Un droit acquit depuis des années, mais qui n’était jamais appliqué dans certains états du sud. L’un des symboles marquant étant l’Alabama, dans lequel la loi était abandonnée aux bons vouloirs des officiers de l’état, blancs et très réfractaires aux droits des noirs aux Etats-Unis. Car pour parler de Martin Luther King, pour mettre en valeur son combat, ce qu’il a apporté aux Etats-Unis et les leçons que, nous, Européens, devrions retenir, c’est évidemment le passage à Selma, ville qui devint tristement célèbre par un attentat qui tua quatre petites filles noires et dont les coupables ne furent jamais ni arrêtés, ni punis. Le pasteur y fit le théâtre d’une lutte entre un gouverneur raciste et violent et la volonté de la population noire d’obtenir enfin son droit acquit par la loi.
La réalisatrice, ne fait jamais dans la surenchère, elle ne cherche pas non plus à faire dans l’image lisse et facile, comme la tentation est facile dans ce type de sujet. Ici, le pasteur doute, ses amis aussi, mais encore plus ses partisans qu’ils soient blancs ou de couleur. Le combat n’est pas facile et le piège peut facilement se refermer sur lui. Mais il persévère, comme Mandela dans son pays, il imagine une société multiculturel, qui se défait de ses barrières ségrégationnistes pour que chacun ait sa place dans la société. Un discours à une époque où être noir signifiait mettre sa vie en danger dés lors que l’on osait penser, objecter ou réclamer.
« Selma » c’est aussi l’occasion de s’interroger sur la façon dont les Etats-Unis ont évolués, une nation qui aime parler de morale, qui refuse certains mots trop ancrés dans la face obscure de leur passé, mais qui continue à voir des hommes et des femmes mourir à cause de leur couleur. Mais nous, de notre côté comment ne pas s’interroger sur ceux qui ose faire un parallèle malsain entre ce qui se passait dans ces années là aux Etats-Unis ou en Afrique du Sud, et ce qui se passe actuellement dans notre pays ? Combien de ponts il y a-t-il à traverser par ici pour faire entendre des voix ? Combien d’hommes et de femmes risquent leur vie pour s’être assis du mauvais côté du bus ? Combien de personnes dans notre partie du monde sont mortes ces dernières années pour s’être installé à une table de restaurant réservée à d’autres ? Si tout n’est pas parfait chez nous (et nous en sommes très loin) chacun a sa place et a la possibilité de la trouver ! Impossible de faire un parallèle cinglant entre ce contre quoi se battait Martin Luther King et ce qui se passe chez nous !
En conclusion, « Selma » est avant tout un film nécessaire sur le combat d’un homme extraordinaire, qui a su trouver les mots, la force pour sortir son pays d’une ornière de haine, de violence et de d’injustice, dans laquelle une partie de la population était maltraitée pour sa couleur de peau et vivait dans la peur et l’angoisse chaque jour, chaque instant pour le seul mal d’être noir. Mais involontairement « Selma » nous rappelle que la différence est encore une raison de mourir aux Etats Unis, mais que par chez nous elle provoque encore des messages de haine, de violence et de torture même si elle a changé de cible.