Critique de Guillaume Simon de la version Blu-ray (
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L'histoireHistoire d'un aller et retour. Dans un monde post-apocalyptique, tout n'est que chaos. Les denrées les plus convoitées, le pétrole, et surtout l'eau, sont contrôlées du haut de sa citée par le tyran Immortan Joe, qui garde la mainmise sur son peuple le desservant à son bon vouloir. Un jour pourtant, Furiosa, d'un de ses lieutenant, se rebelle et, enlevant ses "pondeuses" - femmes esclaves utilisées pour la reproduction - part vers une terre verte promise, souvenir de son enfance. Bientôt accompagnée de Max, un homme solitaire torturé par son passé, et poursuivie par Joe et son armée déchainée, elle part en quête de survie, et de rédemption.Critique subjective18 ans. C'est le temps qu'il aura fallu à George Miller pour concrétiser le quatrième volet de Mad Max, entre la première émergence de la volonté à faire le film à sa sortie effective en salle. Même si on ne parle pas ici d'un travail en continu (il y est revenu ponctuellement, laissant tout en plan parfois durant des années), et que le projet à considérablement évolué au fil du temps, c'est beaucoup. Et étrangement, durant ces années, Miller avait presque réussi à se faire oublier. Quand bien même il fit un détour remarqué par le film familial et d'animation, rencontrant parfois un succès considérable, et qu'il ne s'arrêta jamais de tourner, ce Fury Road sonna comme le retour d'un cinéaste. Il faut dire qu'à contrario d'un Spielberg, d'un Zemekis ou d'un Cameron, il n'aura jamais su s'imposer dans la culture populaire. Son nom et même une partie de son œuvre restant, pour le grand public, obscures voir quasiment inconnus. Ce nouveau volet de Mad Max a donc tout d'un événement. Rebootant et prolongeant à la fois une saga débutée 36 années plus tôt, le film s’inscrit dans cette lignée de suites tardives qui fleurissent actuellement dans nos salles. Souvent, la déception est de mise, ici, c'est tout le contraire.Loin de tous les pétards mouillés récents, la sortie de Fury Road donna lieu à une véritable frénésie geek. D'aucun n'hésitant pas à consacrer le film comme l'un des meilleurs de toute l'histoire du cinéma ou à le comparer plus ou moins à l'invention de la roue ou de la pellicule (en forçant à peine le trait). Une réception délirante ou l’exercice critique contraire, même mineur, dans le milieu plus ou moins "cinéphile-geek", était rendu difficile, à moins d'apprécier les volées de bois verts et les débats houleux. Pas dénué de défauts, le film est pourtant d'une qualité rare. Difficile de parler ou d'évoquer Fury road sans donner dans le superlatif tant l'ensemble est à la fois spectaculaire, grisant, maitrisé. Un film qui laisse la place tant à cette impression d'avoir vu une pure bande d'exploitation réalisée par un type qui a le double de l'âge de la plupart des réalisateurs qu'il supplante ici sans trop de soucis, qu'à celle d'avoir vu un film malin et profond.Car au-delà du pur spectacle proposé, ce Mad Max offre également de quoi satisfaire l'esprit, même si cela demande des efforts de la part du spectateur. Miller, dans son idée initiale, voulait revenir à un film avant tout visuel. Exit donc un scénario profond, qui est ici laissé à sa plus simple expression. C'est l'histoire d'une poursuite de deux heures avec les femmes du méchant en guise de MacGuffin. Point barre. Le contenu, lui est à chercher ailleurs. Usant avant tout de l'image, utilisant peu de dialogues, les indices, motivations et psychologies des personnages et autres symbolismes se retrouvent à l'écran, au détour d'un accessoire, d'une situation, d'un plan, d'un mouvement de camera ou d'une expression du visage. Usant d’archétypes universels, le champ d'interprétation est donc à la fois très grand et très libre. Hormis quelques évidences (comme un symbole christique qui, à défaut d'être foncièrement original au cinéma est mis en scène de façon très maline) le spectateur peut presque y voir ce qui l'arrange, selon son propre background ou sa culture, et il sera bien difficile de le contredire. Bref, c'est la foire à la métaphore. Faites du film ce qui vous chante. Il y a ici une forme d'épure totale du cinéma plutôt intéressante même si la vision propre de l'auteur s'en retrouve diluée.
Et tout cela marche vraiment bien. Mais tout n'est pas parfait, bien évidement. Hormis quelques (rares) fautes de goûts visuelles (comme ces accélérés, vraiment laids ou des incrustations parfois ratées) et narratives (ces flashbacks à répétition totalement inutiles une fois l'introduction passée, pour un film recherchant l'épure...), c'est également le jeu de Tom Hardy qui semble en-deçà. Loin d'être honteux, il n'a tout simplement pas assez de charisme et semble totalement effacé face à Charlize Theron en Furiosa. Peut-être un effet volontaire de la part du réalisateur tant le film, clairement féministe, la met constamment en avant. C'est son histoire avant toute autre. Le titre de travail du film était d'ailleurs Mad Max : Furiosa...
Enfin, le film assure plus que de raison avec une direction artistique proprement démente. Des idées visuelles incroyables et une puissance qui s'en dégage de tous les instants. Il y a tellement de moment absolument grisants qu'il est difficile d'en noter ne serait-ce que 10% de tête. Le concert permanent, la tronçonneuse, la chute d'eau, l'enfilage de l'armure, le type aveuglé, le nain, Rictus et son super flingue, le coup de la transfusion, la tempête... L'action, qui forme donc la grande majorité du film est jouissive, inventive, variée. C'est brutal, mais pas si violent, peu de sang, et les morts virent presque à l'ellipse. Techniquement le film n'est pas si loin du sans-faute.Il aura mis le temps, mais Miller aura finalement magistralement réussi son coup.
En conclusionMad Max Fury Road est un film qui défie l'analyse critique. Les qualités, nombreuses, l'énorme qualité du spectacle proposé et la puissance démente qui s'en dégage prennent le pas sur les petits couacs que l'on pourrait reprocher au film. Blockbuster fascinant et intelligent et ouverts aux interprétations diverses et variées, Fury Road risque de marquer les esprits pour longtemps.