À Paris, André Chatelin, un restaurateur au grand cœur, voit débarquer la fille de sa première épouse qu'il n'a pas vue depuis des années. La jeune femme se prénomme Catherine et déclare que depuis la mort de sa mère à Marseille elle n'a nulle part où aller. Bientôt, la jeune fille tente d'évincer Gérard, un sympathique étudiant sans le sou qu'André considère comme son fils. Ce n'est que le début de son projet machiavélique…
Avec « Voici le temps des Assassins », Julien Duvivier signe une œuvre particulièrement sombre et dont le sujet suscite à la fois l’incompréhension et la suspicion sur les enjeux réels du discours du réalisateur. Car le film, réalisé dans un contexte particulier pour le réalisateur dans sa vie privée comme professionnelle, nous offre une histoire sombre et ambigüe dans laquelle un homme apparemment affable et bienveillant, se laisse manipuler par une femme dont on ne comprend pas dès le départ les ambitions.
Avec une mise en scène soignée, qui n’hésite pas à planter la caméra dehors, dans les rues de Paris, ou en extérieur pour ce qui se passe chez la maman du héros, le réalisateur signe un film proche des spectateurs, les plonge dans une histoire dans laquelle, ils peuvent évidemment se retrouver et s’identifier.
Du coup le choc vient également du côté de la distribution, avec un Jean Gabin (La traversée de Paris), en contre-emploi avec un personnage de restaurateur empathique et éminemment charismatique, qui va se laisser piéger par une jeune femme, dont on ne saisit pas forcément dès les premiers instants les véritables intentions. L’acteur se laisse guider par le réalisateur qui le fait sortir parfois de ces chemins habituels pour y donner une prestation toute en nuance. Pour interpréter la jeune femme,
Julien Duvivier (La femme et le pantin) a fait appel à
Daniele Delorme (Les Misérables), plutôt habituée à des personnages moins en nuance que celui-ci et surtout beaucoup moins sombre. Et l’actrice se lance à corps perdu dans une interprétation remarquable, où elle passe de l’innocence à la violence en un tour de main sans pour autant sombrer dans la caricature, comme cela était possible dans ces années-là au cinéma. Autre révélation du film, remarqué par le réalisateur lui-même qui, du coup le lancera dans le cinéma :
Gérard Blain (Le beau Serge) qui deviendra par la suite un acteur majeur de La Nouvelle Vague, qui vient en contraste de la prestation très soignée, presque académique de Gabin. Le jeune acteur impose un jeu réaliste, épuré, qui va à l’essentiel et se concentre sur les rapports que son rôle entretien avec les autres personnages du film.
En conclusion, « Voici le temps es Assassins » est un film noir, dans la grande tradition, mais qui s’ouvre aux nouvelles mouvances du cinéma qui commence à naître et sera reconnu comme « La nouvelle vague » par la suite. « Voici le temps des Assassins », l’un des films de référence pour François Truffaut, surprend par un ton noir volontairement ambigu, qui vient bousculer les bonnes pensées de ces année 5, rigoureuses et pourtant si ambiguës.