L'abbaye de Saint-Jean-la-Rivière menace de fermer ses portes. Ce qui serait une véritable catastrophe pour ses pensionnaires, tous de vieux comédiens sans ressource. Saint-Clair, acteur autrefois adulé et grand séducteur de femmes, vient justement d'y arriver et y retrouve Marny, grand rival dont il avait jadis séduit la femme, et Cabrissade, artiste de second ordre.
Avec « La fin du jour », Julien Duvivier signe une peinture étonnamment optimiste, aux vues des films qui ont jalonnés sa carrière, en s’inspirant de la Maison de Retraite des Comédiens de Couilly Pont Aux Dames en Seine et Marne. Bien plus sympathique que ce qu’était réellement l’établissement, le scénario s’intéresse à ces acteurs que la gloire à finit par déserté en même temps que l’âge a fait son œuvre. Des gens reconnus pour leur égocentrisme et avides d’excès qui se retrouvent au crépuscule de leurs existence dans un lieux où ils doivent partager et parfois même être solidaire tout en étant eux-mêmes, alors qu’ils ont menés une existence à se cacher derrière de grands rôles.
Avec une mise en scène soignée, nous entraîne dans l’envers d’un décor où chaque personnage se forge une histoire, invente, cabotine. Déprime aussi, face aux blessures d’une vie, d’une rivalité, parfois même des deux. Et pour mieux donner corps à cette histoire de comédiens sur le déclin, le réalisateur choisit une mise en scène de groupe, où tout le monde s’emmêle, où les comédiens du film ne sont pas si éloignés de ceux de l’histoire. Volontairement ou non, Duvivier et son scénariste Charles Spaak ont rendus leurs personnages attachants et solidaires, émouvants et ouverts, alors que la réalité de l’établissement de Seine et Marne était beaucoup moins reluisante, avec des acteurs aux égos surdimensionnés qui peinaient à vivre en communauté, même à la fin de leurs vies.
Et même si certains pensionnaire de Pont-Aux Dames, participèrent au tournage, l’image que le réalisateur donne est une occasion pour lui de rendre hommage à ces acteurs vieillissant parfois oubliés et dont les revenus s’épuisent à mesure que l’âge fait son œuvre. Alors, en plus de l’oubli, il faut aussi accepter de vivre de la charité des autres, ceux qui vous ont aimé ou détesté mais qui remplirent les salles de théâtre dans lesquelles vous vous produisiez. Comme à son habitude, le réalisateur fixe avec minutie les règles, et même s’il doit se brouiller avec ses acteurs, au point d’en remanier complètement la distribution.
Car effectivement, Raimu qui était pressentie pour le film, se désista suite à une mauvaise expérience avec le réalisateur, du coup Louis Jouvet (Dr Knock) et Michel Simon (Le vieil homme et l’enfant) changèrent de rôle et donnèrent cette texture si particulière à leurs personnages. Impossible de ne pas céder aux charme de la diction si remarquable de Louis Jouvet en séduisant vieillard, ou à la verve reconnaissable de Michel Simon cabotin à souhait face à un Victor Francen (J’accuse), moins connus depuis mais dont le talent est une évidence à l’écran avec un style Shakespearien qui ferait rougir n’importe quel acteur anglo-saxon.
En conclusion, « La fin du jour » est une peinture sobre et volontairement plus positive de ce que deviennent les comédiens lorsque l’âge prend la place de l’emploi et qu’ils se retrouvent alors dans une maison de retraite. Les talents de Louis Jouvet, Michel Simon et Victor Francen viennent compléter une mise en scène précise et remarquable.